Femmes,
enfants, vieillards et quelques jeunes transportant matelas, casseroles,
assiettes et valises sur la tête et d’autres tirant des chèvres derrière eux
sont au deuxième jour de voyage à pied : « Nous avons fui depuis hier à 10
heures les affrontements à Mushaki entre les militaires des FARDC qui se battent
entre eux-mêmes, les deux fronts sont constitués en majorité par des militaires
Tutsi de l’ancienne rébellion du CNDP, nous avons passé la nuit dans une église
à Sake et ce matin, c’est la MONUSCO qui a commencé à tirer dans les montagnes
vers 5heures, nous avons eu peur voilà pourquoi nous fouillons vers
Goma… »
La
population en fuite est constituée en grande partie des familles tutsi qui
vivaient dans les pâturages sur les collines qui surplombent la cité de Sake. Un
jeune tutsi en provenance de Mushaki indique : « Ce sont les militaires proches
du colonel Innocent Gahizi qui sont partis attaquer hier matin nos frères qui
sont solidaires avec le général Bosco Naganda, curieusement dans la soirée une
contre- attaque sérieuse a délogé les militaires loyalistes qui ont été
sérieusement tués, j’ai vu plusieurs cadavres des tutsi quand je prenais fuite
vers Sake, maintenant je ne comprends plus comment des frères peuvent
s’entretuer jusqu’à ce niveau… »
Selon la
radio Okapi captée le 02 mai à Sake, les localités de Rushoga, Karuba, Mushaki,
Kirolirwé, Kitchanga et Bwiza étaient sous contrôle des militaires insurgés
fidèles à Bosco Ntaganda.
Un
déploiement significatif des hélicoptères, des chars de combats et des casques
bleus de la MONUSCO étaient impressionnant, c’est ce qui rassurait quelques
habitants et les autorités provinciales demandaient à la population de Goma de
ne pas paniquer parce que Sake était selon elles « sous haute
surveillance ».
Sur ordre de
la MONUC, Laurent Nkunda se replie dans les collines de Masisi au Nord-Kivu, le
colonel Mutebusi traverse la frontière avec tous les Tutsi menacés de mort et se
réfugient au Rwanda.
Des hauts
plateaux de Masisi, le général insurgé Laurent NKUNDA crée le Congrès national
pour la défense du peuple « CNDP » avec un cahier de charge bien fourni pour le
rapatriement et la protection des familles tutsi qui vivent à l’extérieur de la
RDC.
Le mouvement
a évolué jusqu’aux élections de 2006 et après la mise sur pied du gouvernement
issu des élections, une première tentative de gérer la crise va regrouper autour
d’une même table tous les groupes armés, y compris les insurgés avec toutes les
tendances politiques et de la Société civile du Nord et du Sud Kivu à Goma en
janvier 2008. La rencontre s’intitulait ; ‘’ La conférence sur la paix, la sécurité et le développent du
Nord et du Sud- Kivu ‘’. La conférence avait accouché d’un acte d’engagement
dont les closes n’ont pas été respectées.
Laurent Nkunda décide alors de continuer la lutte et occupe une grande
partie des territoires de Masisi et de Rutshuru. Le gouvernement de Kinshasa
décide de nouveau de renégocier directement avec le CNDP avec cette fois-ci la
médiation de Olusegun Obasanjo, ancien
président Nigérian jusqu’à la signature des accords de Nairobi en novembre
2007.
Subitement
en mars 2009, Laurent Nkunda est arrêté à la suite d’un rapprochement entre Kinshasa
et Kigali qui a surpris tout le monde. La confiance est désormais placée en
Bosco Ntaganda, alors chef d’état major du CNDP. D’autres accords sont de
nouveau signés entre les groupes armés et le gouvernement congolais et qui n’ont
jamais été honorés jusqu’à ce jour. Il s’agit par exemple de l’amnistie dont la
loi devait être promulguée couvrant la période allant de juin 2003 à la date de
sa promulgation, du retour des réfugiés et des déplacés internes dont le
processus a connu beaucoup de failles, de l’administration du territoire qui
devait tenir compte d’un modèle de découpage du territoire national pour une
prise en compte possible des réalités sociologiques du pays, de la reforme de
l’armée et des services de sécurité qui devait constituer une priorité de cet
accord, etc.
Bosco
Ntaganda était déjà recherché par la Cour pénale internationale mais au nom de
la paix, il est protégé par les autorités congolaises qui lui confient les
responsabilités de commandant adjoint des opérations AMANI LEO.
Avec la
pression de la communauté internationale, le président Joseph Kabila ne sait
plus le protéger et pour s’en débarrasser, il divise les anciens militaires CNDP
et place sa nouvelle confiance au colonel Innocent Gahizi nommé commandant des
opérations militaires au Nord-Kivu. Le
11 avril 2012, il suspend les opérations AMANI LEO au Nord et au Sud-Kivu sans
aucune mesure d’encadrement de sa décision.
Bosco
Ntaganda est désormais considéré comme un insurgé, il se replie aussi dans les
collines de Masisi avec tous les officiers et militaires ex CNDP qui lui sont
restés fidèles et c’est le début des affrontements militaires qui endeuillent
plusieurs familles dont celles des tutsi dont les enfants se battent des deux
côtés de la ligne de front, pour le général insurgé Bosco Ntaganda ou pour le
colonel Innocent Gahizi fidèle à Joseph Kabila.
Ce nouveau
départ massif des Tutsi vers le Rwanda risque de constituer encore une fois une
friction dans la région d’autant plus que le processus de rapatriement des
réfugiés congolais vivant au Rwanda n’avait pas encore abouti malgré
l’implication du HCR, de l’UNHABITAT, de la MONUSCO, du Gouvernement congolais
et plusieurs autres organisations nationales et internationales impliqués dans
la pacification de la région.
Les ethnies
hostiles aux tutsi vont une fois de plus profiter de cette situation qui risque
de replonger la province dans un bain de sang.
Déjà dans le
Walikale, la présence des Maimai Cheka et les ‘’Guides’’, celle de l’APCLS de
Janvier dans le Masisi et les ‘’NYATURA’’ dans une partie de Kalehe au Sud-Kivu
et dans le Masisi sont des exemples éloquents.
Cependant le
Baraza la Wazee du Nord-Kivu a commencé à prendre des précautions pour éviter le
pire. Les recommandations ressorties de son Assemblée générale du 1er
mai 2012 à Goma, invitent toutes les communautés du Nord-Kivu à ne pas s’agiter
afin de faciliter la cohabitation des uns et des autres et demandent aux
autorités congolaises de freiner rapidement le feu qui vient de s’allumer au
Nord-Kivu.
Le président
du parti politique CNDP, Edouard Mwangachuchu qui s’indigne des combats
meurtriers entre les enfants d’une même famille sollicite la souplesse du
gouvernement congolais pour réconcilier les militaires insurgés et les
loyalistes mais le Gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku estime que trop c’est
trop, que Bosco Ntaganda doit être arrêté avec ses acolytes et jugé par la
justice militaire.
Cependant
Bosco Ntaganda vient de démontrer qu’on ne peut pas le cueillir facilement, il
faudra du temps et beaucoup de tact pour mettre la main sur lui. En attendant,
ce sont les populations locales qui en
pâtissent.
Source: Pole Institute, Mai 2011
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