Il y a une semaine, le Rwanda et la République démocratique
du Congo (RDC) ont signé un accord de principe pour mettre en place une force
internationale "neutre" le long de leur frontière pour combattre les attaques
rebelles du M23 et des FDLR. L'arrivée d'une nouvelle armée dans la région
risquerait de figer le conflit, là où les Nations unies ont déjà échoué depuis
10 ans avec la Monusco… une initiative, qui a tout de la "fausse bonne
idée".
La Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL)
veut mettre sur pied une force internationale le long de la frontière entre le
Rwanda et la RDC pour lutter contre les rebelles du M23 et des FDLR. Depuis le
mois de mai, la République démocratique du Congo (RDC) est en effet confrontée à
une nouvelle rébellion, le M23, dans l'Est du pays où sévissent déjà de nombreux
autres groupes armés, comme les FDLR. Le Rwanda est accusé par un rapport de
l'ONU de soutenir et de financer la rébellion, ce que dément formellement
Kigali.
L'idée d'une "force neutre" afin de contrôler la frontière entre
le Congo et le Rwanda, est née à Addis-Abeba, en marge d'un sommet de l'Union
africaine (UA), il y a maintenant une semaine. Les contours de cette force
militaire sont encore mal définis. Quel Pays ? pour quelle mission et quel
commandement ? Des réponses plus précises seront peut-être apportées le 8 août
prochain lors d'une prochaine rencontre. Pour être synthétique, il n' y a qu'un
seul point positif à cette initiative : forcer un semblant de "dialogue" entre
Kinshasa et Kigali dans un cadre multilatérale… et africain. La tension est en
effet montée d'un cran entre les deux voisins depuis les révélations du rapport
de l'ONU sur l'implication du Rwanda dans l'aide aux rebelles duM 23. Une
rencontre au sommet entre présidents et ministres concernés est donc plutôt la
bienvenue dans ce contexte. Mais les avantages s'arrêtent là.
Pour le
reste, il n'y a que des inconvénients. Tout d'abord, la "force neutre"
affaiblirait considérablement la mission de l'ONU sur le terrain (la Monusco
compte déjà 17.000 casques bleus). Depuis plus de 10 ans, la Monusco fait déjà
office de force internationale "neutre" en RDC… sans succès. Pourquoi en
rajouter une, là où la plus importante mission de l'ONU au monde a déjà échoué ?
Pourquoi créer une Monusco bis ?
Ensuite, la "force neutre" apparaîtrait
comme une armée de plus dans un conflit déjà "sur-militarisé", alors que sur
place, l'armée congolaise et la Monusco peinent à stabiliser la zone. De
nouveaux militaires dans la région risqueraient au contraire de maintenir l'Etat
de guerre quasi permanent qui règne à l'Est de la RDC depuis plus de 15 ans.
C'est d'ailleurs ce que cherchent peut-être les deux principaux intéressés, la
RDC et le Rwanda. En conservant la zone sous tension militaire, le Rwanda peut
continuer à contrôler les richesses minières des Kivus et faire la pluie et le
beau temps sur la région. Quant à Kinshasa, la guerre à l'Est, lui permet de
brandir l'étendard de la "patrie en danger" et de "l'unité nationale" afin de
légitimer son pouvoir, écorné par les fraudes des dernières élections.
En
guise de conclusion, c'est un sondage du site internet de Radio Okapi qui résume
le mieux ce qu'il faut penser de l'envoi d'une "force internationale neutre" à
la frontière entre le Rwanda et la RDC. Pour 51% des internautes, cette force
internationale "ne pourra être efficace que si les Etats s’engagent sincèrement
à ne pas soutenir les groupes armés" et 43% répond de manière plus pragmatique,
"qu'elle ne verra jamais le jour" ! Pendant ce temps, les rebelles du M23
maintiennent la pression militaire autour des villes de Rutshuru et Goma et
occupent toujours la ville frontière de Bunagana… sous le regard impuissant des
casques bleus.
Author: Christophe RIGAUD
Source: Courrier
International, du 23/07/2012
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