Paul Kagame est un personnage mystérieux, secret et
controversé. Le président rwandais, l’homme fort du pays depuis le génocide de
1994, n’aime guère se laisser approcher. Il a accepté de faire une exception
pour France 24 et nous a laissé le suivre pendant une semaine. Visites de
terrain au volant de sa voiture blindée, séances de travail à la présidence,
entretiens avec des diplomates, cérémonies officielles, discussions chez lui, et
même quelques moments d’intimité avec sa famille et ses amis. Pour parler encore
et encore de ce nouveau Rwanda qu’il tente de faire émerger au forceps sur les
cendres du génocide, en mettant l’accent sur la santé, le logement et
l’éducation. Le développement comme recette pour oublier les tensions ethniques
entre Hutus et Tutsis. Avec pour modèle les tigres asiatiques qui ont donné
priorité à l’économie avant la démocratie à la sauce occidentale.
Kagame ne veut plus parler des tensions avec la France et se veut résolument
pragmatique. Il courtise les donateurs occidentaux qui contribuent à hauteur de
40% du budget rwandais et saluent la bonne gouvernance du pays, notamment la
lutte contre la corruption. Ce nationaliste rêve toutefois de pouvoir se
débarrasser de cette dépendance envers l’Occident. Lors de notre séjour se
déroulent les cérémonies du cinquantenaire de l’indépendance. Mais pour Kagame,
la véritable indépendance ne date pas du départ du colonisateur belge en 1962,
mais de la fin du génocide en 1994. Une vision qui n’est partagée par tous,
notamment par les soutiens de l’ancien régime dominé par les Hutus qui
l’accusent de représenter un pouvoir avant tout tutsi. Une notion qu’il rejette,
affirmant que les Rwandais sont désormais unis, au-delà des leur appartenance
ethnique.Au fur et à mesure du reportage se dessine un homme différent, plus ouvert, surtout plus passionné que l’homme public au débit monocorde. Quelqu’un qui, certes, n’aime guère aborder des sujets qui fâchent comme le rôle trouble de son pays en République Démocratique du Congo ou les carences de la démocratie au Rwanda. Mais qui n’esquive pas la discussion et retrouve volontiers des accents anticolonialistes pour dénoncer les critiques de l’Occident ou des Nations Unies.
Lui qui est habité par l’action politique laisse même entrevoir une vie après la politique. Son second et - en théorie dernier - mandat se termine en 2017 et il aura alors 60 ans. Et si on lui prête parfois l’intention de changer la Constitution pour se représenter, comme nombre de ses pairs, il le nie farouchement. Et semble presque impatient d’être à la retraite. Reste à voir s’il tiendra parole…
Source: FRANCE24, Dernière modification : 20/07/2012
Author: Marc PERELMAN
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