Monday, July 23, 2012

RDC/La guerre à l’Est : Nord-Kivu : Le M23 et la "tentation sécessionniste"

   

       


le "Bishop" Jean-Marie Runiga Lugerero, ex-membre du RCD, Coordonnateur du CNDP-M23.
Comme annoncé, les mutins du «Mouvement du 23 mars» ont tenu samedi 21 juillet leur conférence de presse à... Bunagana, province du Nord Kivu. Dans son mot introductif, Jean-Marie Runiga Lugerero, promu «Coordonnateur» - Dieu seul sait pas qui -, a dit tout le mal qu’il pense de la décision de l’Union Africaine de déployer une «force neutre» à la frontière congolo-rwandaise. Pour lui, cette nouvelle donne ne résout rien. Comme pour disculper le Rwanda de Paul Kagame dans l’instabilité qui règne dans les provinces du Kivu, Runiga de déplorer que le régime de Kinshasa accepte de discuter avec les «pays voisins» tout «en ignorant les vrais acteurs sur terrain». L’homme n’a pas n’exclu que le M23 recourt à des «stratégies alternatives» pour contraindre les autorités de Kinshasa à honorer les «engagements» contenus dans l’Accord de paix du 23 mars 2009 entre le gouvernement de «Joseph Kabila» et des bandes armées dont le CNDP.
Après le sommet d’Addis Abeba au cours duquel les chefs d’Etat présents ont arrêté le 15 juillet le «principe» du déploiement d’une «force neutre» à la frontière entre le Congo-Kinshasa et le Rwanda, il fallait s’attendre à ce que le M23 prenne position. Cette "force" dont la mise en oeuvre reste hypothétique a reçu pour «mission» d’«éradiquer» les forces dites négatives - dont le M23 - qui font plus la pluie que le beau temps dans la partie orientale du Congo en général et dans les provinces du Kivu en particulier.

Revendiquant le statut de «partenaire» du gouvernement de Kinshasa dans l’Accord du 23 mars 2009, le M23, par la bouche de son frais émoulu Coordonnateur Jean-Marie Runiga Lugerero, craint que «l’appui militaire» obtenu par les autorités congolais se mue en «un chèque en blanc accordé à la violation tous azimuts d’un accord que la même communauté Internationale a parrainé et une répression rigoureuse et ferme contre celui qui en revendique le respect». Dans cette hypothèse, Runiga n’exclut pas que lui et ses "amis" recourent à des «stratégies alternatives». Lesquelles? Le M23 compte-il proclamer la sécession des territoires sous son contrôle? Et d’ajouter : «Recourir à l’appui des troupes étrangères pour régler une crise interne aura toujours un caractère limité dans le temps et dans l’espace et ne saurait constituer qu’un expédient humiliant pour le peuple congolais qui, le moment venu, saura s’en souvenir».

En lisant la déclaration de Runiga entre les lignes, le M23 semble remettre à l’ordre du jour l’idée défendu jadis par Walter Kansteiner. Sous-sécrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines au début des années 90, cet officiel US était favorable à une «yougoslavisation» de l’ex-Zaïre sous le fallacieux prétexte que le pays était ingouvernable du fait de son immensité. Sans user des mêmes mots, Runiga Lugerero note que «la classe politique congolaise n’est pas en mesure de gérer correctement et efficacement la RDC, dans sa configuration actuelle». Il poursuit : «(…) l’immensité du pays jointe à une gouvernance centralisée à outrance, c’est-à-dire dans laquelle le peuple n’est jamais consulté sur les choix politiques faits en son nom, alors qu’il est concerné au premier chef (…). Il faut donc oser innover profondément et radicalement». Innover en faisant quoi ? Toute la question est là.

Kagame exaspéré

Les propos tenus par le Coordonnateur du M23 trahi un désarroi certain. Un désarroi perceptible d’ailleurs dans le premier cercle du pouvoir à Kigali. Depuis plusieurs mois, le satrape rwandais est accusé de toutes parts de fournir la logistique aux combattants du CNDP-M23. Les dénégations des dirigeants rwandais peinent à convaincre. Le rapport publié récemment par des experts onusiens a laissé Paul Kagame sans voix. Dimanche 22 juillet, la télévision publique française «France 24» a publié un reportage sur le chef d’Etat rwandais. Interrogé sur l’implication de son pays dans des actions de déstabilisation à l’Est du Congo, le numéro un Rwandais dissimulait mal son exaspération : «Ce qui se passe au Congo est une affaire congolo-congolaise, a-t-il répondu au journalisme français. Je n’en sais rien du tout. J’aimerai que vous me posiez des questions sur le Rwanda…».

Dans son mot introductif, Runiga a égrené les griefs habituels articulés à l’encontre du régime incarné par «Joseph Kabila». Un régime au demeurant unanimement rejeté par la population. L’orateur cite notamment : la mauvaise gestion des affaires militaires, la mauvaise gouvernance, la prédation et la corruption. Il ajoute au passage les soupçons qui planent sur «des membres du clan présidentiel» d’avoir négocié la vente de l’uranium avec l’Iran ou la Corée du Nord. Et de souligner qu’«en lieu et place de s’occuper des affaires du pays, le régime actuel s’acharne à la destruction physique de l’opposition politique interne pour se pérenniser au pouvoir.»

Lassitude

Faisant feu de tout bois, le «Bishop» Runiga de regretter l’absence de démocratie et d’un «Etat impartial» où il y a une «appropriation civique par les administrés des fondamentaux de la démocratie qui se nomment : paix, sécurité, stabilité, promotion des vertus citoyennes d’unité et de solidarité nationales, de tolérance et d’acceptation mutuelles, d’intégrité et d’honnêteté, respect des droits humains et des libertés publiques, égalité de tous devant la loi et égale protection de tous par la loi, primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers, souci du développement et du bien-être de la population». Ouf !

Ancien membre du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), qui n’est rien d’autre qu’un avatard de l’AFDL, Jean-Marie Runiga feint d’ignorer tous les méfaits commis en 1997-1998 par les "libérateurs", ivres de leur "victoire". On ne serait peut-être pas là si l’AFDL avait honoré ses promesses de promouvoir l’Etat de droit et d’achever le processus de démocratisation amorcée le 24 avril 1990 par Mobutu Sese Seko. Runiga - qui parle de l’actuel numéro un Congolais avec une certaine déférence en articulant bien «le président de la République, Joseph Kabila Kabange» - a sans doute oublié que la crise actuelle au Nord Kivu n’aurait pas eu lieu n’eut été la décision de la Cour pénale internationale de juger Bosco Ntaganda. La crise actuelle a un arrière-goût maffieux. «La population congolaise est résignée face au régime de Kinshasa», note-t-il. Sans aucun doute. Cette même population congolaise ne cache plus une certaine lassitude. Elle est fatiguée par une décennie de menées subversives dans la partie orientale du Congo par le voisin rwandais. Et ce, par l’entremise de quelques "agents de l’étranger". Voilà pourquoi le M23 et «Joseph Kabila» sont renvoyés dos à dos par la grande majorité des citoyens…
Author: Baudouin Amba Wetshi           
Source:  Congoindépendant 2003-2012, du  22 Juillet 2012     

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