Wednesday, February 2, 2011

AOB: DICTATURE • Quand l’homme fort est une dame

De tout temps, les épouses de despotes ont mis le nez dans les affaires de leur mari, et bien sûr dans les caisses. Les premières dames africaines ne font pas exception, rappelle le journal Le Nouveau Réveil.

Dans l’histoire des dictatures, on a vu des hommes entraîner leurs compagnes, soumises ou impuissantes, dans leur folie du pouvoir. On a aussi vu des premières dames entraîner dans leur goût du lucre des hommes qu’elles ont réussi à transformer en tyrans. Il arrive aussi qu’un dictateur dans l’âme rencontre une femme qui nourrit les mêmes appétits de toute-puissance que lui.

Ainsi Leila Ben Ali née Trabelsi, 53 ans, surnommée l’Imelda Marcos du monde arabe, du nom de l’ex-première dame des Philippines, qui s’est rendue célèbre pour ses dépenses somptuaires, notamment de chaussures. Le Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi a dit d’elle qu’il avait “l’impression” que c’était elle qui en réalité dirigeait le pays. Elle se serait enfuie avec un butin surréaliste de 1,5 t de lingots d’or. Cette femme avide a réussi à faire de sa famille, les Trabelsi, la plus détestée de Tunisie. Peut-être est-ce elle qui a coulé Ben Ali, par ses tendances excentriques, son goût du pouvoir, son affairisme rampant, son ingérence dans les affaires politiques ? Une chose est certaine, elle restera dans les mémoires comme une femme dont l’influence politique n’a pas servi la cause de son président de mari, qui a pris la fuite. Comme une première dame bien connue, elle est issue d’une famille nombreuse et modeste.

Les dictateurs comme Hitler, Lénine, Mussolini, Staline, ont entraîné des femmes (Eva, Nadia, Clara, Magda) dans leurs entreprises, mais ce sont aussi très souvent des femmes qui enferment leurs maris dans le giron de la dictature. Avec un résultat plus que catastrophique.

Qu’on se souvienne d’Elena Petrescu, la femme du dictateur roumain Nicolae Ceausescu, exécutée le même jour que son époux après une révolte du peuple, un 25 décembre 1989. Elena Ceausescu née Petrescu est devenue l’épouse du dictateur en 1946. Jusqu’à la chute de son mari, son influence et son rôle au sein de la machine de répression vont grandissants. Exactement comme une première dame bien connue. La famille, c’est-à-dire le clan, n’est pas très loin. Elena Petrescu se présente comme une enseignante chercheuse (qui nous rappelle une autre première dame), ce qui lui vaut d’occuper de hauts postes ministériels dans les gouvernements successifs de son époux.

Au Rwanda, Agathe Habyarimana, l’épouse du défunt président Juvenal Habyarimana [assassiné en 1994], est accusée de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. Courant 2009, elle a été brièvement interpellée par la police française. Elle est soupçonnée d’avoir dirigé d’une poigne de fer l’Akazu [organisation proche du pouvoir qui aurait planifié le génocide rwandais].

Renversé en 1991, le dictateur Moussa Traoré aurait, avec son épouse Mariam, détourné des fortunes. Un an après sa chute, Moussa Traoré est condamné à mort pour “crimes politiques”, avant d’être gracié par le président Alpha Oumar Konaré en 2002. L’influence de Mariam, sans grande instruction scolaire, fut importante au Mali sous la dictature de Moussa Traoré [1968-1991].

En Côte d’Ivoire, on ne saurait traiter Laurent [Gbagbo] de dictateur, loin s’en faut. Encore moins Simone d’épouse de dictateur. “L’homme fort de la Côte d’Ivoire s’appellerait-il Simone Gbagbo ?” s’interrogeait Le Monde après l’avoir vue défendre la légitimité de son mari devant près de 5 000 personnes survoltées qui se pressaient au palais de la culture. A cette occasion, cette universitaire cumulant une demi-douzaine de mandats politiques identifia Alassane Ouattara, la main sur la Bible, comme “un chef bandit” et Nicolas Sarkozy comme “le diable”.

C’est connu, tous les dictateurs et leurs épouses ont perdu leur capacité à penser juste. Et qu’on ait été l’épouse de Bokassa ou de Salazar, dictateurs du XXe siècle, ou qu’on soit la première dame d’un régime dictatorial du siècle suivant, jusqu’au moment de sa chute on croit fermement que ceux qui parlent d’ouverture démocratique, de tolérance, d’arrêt des massacres et du pillage des ressources méritent les flammes de l’enfer, parce qu’ils sont tout simplement les suppôts du diable, s’ils ne sont le diable lui-même.

Author: Prince B. 
Le Nouveau Réveil


Source: Courrier International, du 02/02/2011

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