La caserne dans laquelle les jusqu'auboutistes serrent les rangs autour de Kadhafi se trouve à la sortie de la capitale libyenne. C'est un énorme complexe hyperprotégé par une double enceinte de hauts murs qui enserre le cœur du pouvoir.
Autour de Mouammar Kadhafi, le premier cercle des fidèles s'est retranché dans la caserne Bab el-Azizia de Tripoli pour diriger le dernier combat. Tous font partie de la famille du Guide de la révolution, ou sont des proches qui l'accompagnent depuis plus trente ans. D'abord Khamis, 29 ans, le plus jeune de ses fils. Commandant des forces spéciales, assisté de Mansour Daou, lui aussi présent, il dirige cette garde prétorienne, rempart ultime du régime. Très bien armée, elle peut faire beaucoup de dégâts. À condition qu'elle ne fasse pas défection. Deux autres fils se tiennent aux côtés du Guide: Seif el-Islam, dauphin supposé qui présentait jusqu'ici le visage ouvert du régime et militait pour l'adoption d'une constitution. Son discours menaçant de lundi l'a reclassé dans le camp des durs. Il est plus spécialement chargé de tenter de reconquérir la jeunesse, dont il se veut le représentant. Il est flanqué de son frère Muatassim Billah, président du Conseil de sécurité. Comme Seïf al-Islam, il apparaît de temps en temps comme un successeur possible. Il chapeaute les services de renseignement et de sécurité.
Ensuite, Abdallah al-Senoussi. Beau-frère de Mouammar Kadhafi, c'est l'homme des renseignements et des coups à l'étranger. La justice française l'a condamné par contumace à perpétuité en juin 1998, pour avoir été l'organisateur de l'attentat contre un DC-10 d'UTA au-dessus du Niger en septembre 1989, condamnation un peu oubliée après l'accord d'indemnisation conclu entre la Fondation Kadhafi et l'association des victimes. À côté de lui, Moussa Koussa. Ancien directeur des renseignements extérieurs, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères, il était dernièrement l'homme des contacts avec le monde occidental, reçu à la Maison-Blanche et à l'Élysée. C'est lui qui transmettait les connaissances et les dossiers libyens en matière de terrorisme, depuis début 2004, quand la Libye a entamé une collaboration avec l'Ouest. Il a un passé sombre. Dans les années 1980, il organisait les assassinats d'opposants à l'étranger. Envoyé comme ambassadeur à Londres dans ce seul but, il avait été rapidement expulsé.
Enfin, autre membre important de ce cercle rapproché, Béchir Salah Béchir, secrétaire particulier de Mouammar Kadhafi, est un Toubou du Sud. Francophone, cet Africain est bien plus qu'un secrétaire. Il fut un temps chargé des investissements libyens en Afrique. Aujourd'hui, il s'occupe plus particulièrement de recruter les mercenaires dans les pays africains alliés de la Libye.
L'urgence de la situation semble avoir fait taire, pour l'instant, les rivalités intenses qui agitent ce petit milieu. Un télégramme diplomatique révélé par WikiLeaks fait la liste des nombreux responsables libyens limogés ou exilés pour s'être trouvés mêlés de trop près aux affaires des rejetons de Kadhafi. Comme par exemple le président de la compagnie pétrolière nationale, «démissionné» pour avoir refusé de transférer 1,2 million de dollars à Muatassim, qui voulait créer sa propre garde personnelle. Toujours selon WikiLeaks, un associé en affaires de Seïf al-Islam, et son conseiller financier depuis longtemps, a été forcé à l'exil en janvier, une façon de contrer l'influence de Seïf.
Un casque sous le turban
Les connaisseurs de la Libye se demandent si cette coalition de frères ennemis peut durer. En tout cas, le dernier cercle se rétrécit. Jeudi, un proche de Kadhafi a annoncé sa défection. Son cousin Ahmed Gadhaf al-Dam, sosie du Guide, chargé des contacts internationaux, a annoncé avoir quitté la Libye pour l'Égypte en «signe de protestation» dénonçant de «graves violations des droits de l'homme et des lois internationales».
La caserne dans laquelle les jusqu'auboutistes serrent les rangs autour de Kadhafi se trouve à la sortie de Tripoli. C'est un énorme complexe hyperprotégé par une double enceinte de hauts murs qui enserre le cœur du pouvoir: le bureau de Mouammar Kadhafi, meublé simplement et décoré d'une grande carte de l'Afrique. Il donne sur une cour herbeuse où broutent deux chamelles, fournisseuses du lait quotidien du Guide. D'un côté de la cour, une tente est plantée en permanence. C'est là que Kadhafi reçoit l'été. De l'autre, les ruines de sa maison bombardée en 1986 par l'armée américaine, conservées en l'état comme mémorial, et décorée d'une sculpture représentant un poing fermé écrasant un avion américain. C'est de là que Kadhafi a prononcé son terrifiant discours de mardi.
L'endroit pourrait receler des bunkers souterrains. En surface, la tente cache une armature en béton. Mouammar Kadhafi lui-même se protège d'un gilet pare-balles porté sous ses vêtements, et si son turban semble rigide, c'est qu'il recèle un casque en kevlar.
Autour de la caserne la ville de Tripoli restait calme jeudi, par crainte des représailles. Les habitants étaient terrés chez eux, par peur d'être pris pour cible par les avions ou les hélicoptères, ou encore par des nervis armés par le pouvoir et qui font régner la terreur. Les cadavres de plusieurs pilotes d'hélicoptères, qui avaient refusé de tirer sur la foule, ont été retrouvés sur la route de l'aéroport.
Author: Pierre Prier
Source: Le Figaro, du
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