L’inauguration d’un bâtiment administratif et d’un commissariat de police constitue la première étape du long processus de restauration de l’autorité de l’Etat dans les zones soumises à des conflits armés permanents. Côté jardin ! Les éléments intégrés de la police, à déployer, sont issus des groupes armés à la base des conflits. L’intégration au sein de la police devient ainsi une prime. La séparation du bon grain de l’ivraie, une vraie gageure à l’Est. Coté cour !
Pour la stabilisation et la reconstruction de l’Est, une série d’actions à mener en vue d’assurer une meilleure consolidation de la paix à l’Est de la RDC, a été mise en place. Aussi, la communauté internationale et différents partenaires ont-ils décidé d’accompagner les efforts de la RDC à travers un vaste plan articulé autour de plusieurs axes. Les parties concernées ont mis en place la Stratégie de soutien à la sécurité et la stabilisation de l’Est de la RDC (ISSSS). L’ISSSS regroupe ainsi les agences onusiennes « qui travaillent en appui au Plan gouvernemental pour la stabilisation et la reconstruction des zones sortant des conflits armés (STAREC) ».
Ce volet d’interventions vise « les secteurs de la sécurité, le dialogue politique, le retour, la réintégration et le relèvement communautaire d’anciens déplacés et réfugiés, la relance de l’économie, la lutte contre les violences sexuelles, aussi bien que la restauration de l’autorité de l’Etat». Ce programme entend, en définitive, assister l’Etat congolais dans les efforts visant «la restauration de l’autorité de l’Etat dans des zones où, pour une longue période de temps, les groupes armés ont empêché le pouvoir régalien de l’Etat de pouvoir être au service des populations».
En effet, pendant de longues années, il est clairement apparu que des groupuscules armés ont mené des actions de sape contre les institutions légales de la République. Ils ont imposé leur loi sur des pans entiers du territoire national afin d’assurer la pérennisation de la prédation des ressources naturelles. L’entretien de l’insécurité dans cette partie de la République est le fait de ces groupes armés pour qui, le retour à la paix signifierait la fin des avantages indus issus de l’exploitation illicite des matières précieuses.
L’INCONTOURNABLE LOGISTIQUE
Une armée ou une administration sans logistique adéquate ne peut donner le meilleur d’elle-même. Les partenaires de la RDC dans le cadre de l’ISSSS l’ont compris en dotant la RDC de trois commissariats et quatre sous-commissariats pour la police. Neuf bâtiments administratifs, deux prisons et un tribunal de paix sont en phase de finalisation de leur construction. Les partenaires promettent de construire sous peu, sept logements en faveur des éléments de la Police nationale congolaise.
«Les constructions sur les axes sont connectées par la réhabilitation des routes de Sake-Masisi et Rutshuru-Ishasa» lit-on dans un communiqué. Cet appui en logistique permettra aux hommes, formés à cet effet, de se déployer aisément dans ces zones à haut risque. L’efficacité de leur action sur le terrain dépend donc de leur capacité de mobilité ainsi que de leur aptitude à répondre de manière appropriée aux attaques.
Aussi heureuses qu’elles soient, ces actions ne peuvent conduire à considérer que les groupes armés, disposant de ressources financières suffisantes, ne se seraient pas dotés d’un arsenal militaire capable de leur permettre de poursuivre leur œuvre macabre. En contrebande et grâce aux importantes liquidités consacrées à cette sale besogne, ces groupuscules ont certainement acquis des armes sophistiquées.
D’ailleurs, leur survivance, malgré les différentes opérations militaires menées contre eux démontre, si besoin en était encore, qu’en face des FARDC, il n’y a pas que des enfants de chœur. Ça, c’est d’un.
L’ESSENTIEL ESCAMOTE
De deux. Le facteur humain devait constituer la pierre angulaire du processus de stabilisation en cours. Un volet du programme y est consacré. 150 agents administratifs et 500 nouveaux officiers de la Police (police territoriale, police des frontières et groupes mobiles d’intervention) ont vu leur capacité renforcée.
«1.000 policiers actuellement intégrés ont déjà reçu une formation, ou sont en attente d’une formation». C’est ici que le bât blesse ! La moitié de ces policiers est issue des groupes armés. Intégrés, passe encore. Mais qu’ils soient déployés exclusivement dans l’Est, pose problème. C’est un terrain qui leur est familier. Pire, il n’est pas exclu que beaucoup parmi eux aient pris une part active dans l’exploitation illicite des riches gisements de l’Est du pays. Répondre d’eux moralement devient difficile dans la mesure où la tentation de renouer avec les anciennes pratiques sera trop forte.
D’aucuns estiment que l’essentiel a été escamoté au profit de l’accessoire. Ils n’apprécient pas beaucoup que les policiers intégrés et formés ne soient opérationnels que sur leur lieu de recrutement. Selon eux, l’efficacité de l’opération de stabilisation s’en ressentirait pour la simple raison que les hommes qui prêtent serment sous le drapeau devraient être disposés à aller prêter leur service dans d’autres régions du pays. Aussi, leur intégration devrait-elle être une opération garantissant l’extension de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue de la République.
Bien plus, concernant les éléments devant opérer dans une zone aussi sensible que l’Est de la RDC, le choix devrait porter sur des Congolais épris de patriotisme et ayant suivi une formation civique à la hauteur des attentes. Ce qui reste à vérifier pour les éléments recrutés et intégrés dans le cadre de STAREC/ISSSS
La crainte est que le processus accouche d’une souris au grand dam des populations. Car, au départ des contributeurs, le décor planté pourrait fondre comme de la cire au soleil. La question de la paie régulière de la solde pourrait se poser et justifier le retour aux pratiques récusées aujourd’hui.
Les plus sceptiques trouvent là une occasion pour dire qu’on serait en face d’une nouvelle version de l’usure comme stratégie devant aboutir à mettre à exécution le plan caché de balkanisation. Selon eux, pendre les mêmes et recommencer ne serait qu’un leurre pour la stabilisation de l’Est. L’expérience du CNDP et d’autres groupes armés devrait servir de leçons à tous ceux qui ne prennent pas en compte les conclusions des opérations précédentes.
Par Le Potentiel
EDITORIAL : Paix à l’Est, un leurre
Les jours passent mais se ressemblent pour les populations congolaises qui vivent dans l’Est du pays. Elles ne savent plus à quel saint se vouer tant les bruits de bottes sont leur lot quotidien. Avec en corollaire, toutes sortes d’exactions dont les viols massifs perpétrés par des hommes en uniforme. La courbe de variation des violences est fonction de saisons. Tantôt elle incline tantôt elle se redresse au rythme des offensives et controffensives menées contre les fameuses forces négatives. Le but de ces actions, souvent sporadiques, est de donner des rasions d’espérer à ces populations qui souffrent le martyre dans leur chair, sur leur terre et dans tout leur être.
Or, la flamme de cet espoir suscité par le repli des groupes armés tombe aussitôt que ces derniers reprennent du service comme s’ils étaient des hydres. C’est tellement fréquent que d’aucuns sont tentés de dire que la communauté internationale de même que le gouvernement étaient arrivés à bout d’initiatives en ce qui concerne la neutralisation de ces monstres à plusieurs têtes.
Les premières notes de désespoir sont venues de « International crisis group » (ICG) qui a clairement fustigé l’inefficacité des opérations conjointes RDC-Rwanda menées contre les Fdlr et autres CNDP.
L’ONG internationale a été rejointe récemment par les Nations unies à travers leur mission en RDC. Dans son dernier rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, le chef de la Monusco (Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo) affirme que la paix demeure fragile dans la partie Est de la RDC. Pourquoi ? Tout simplement parce que les ennemis de la paix bien identifiés et répertoriés débordent d’activités. Roger Meece révèle que ces groupes armés continuent d’agir à la manière des forces prédatrices en utilisant souvent le viol et d’autres formes de violence comme des armes contre les civils. Delà à dire qu’il s’agit d’un aveu d’impuissance, le pas est vite franchi. Cela au regard aux termes du mandat confié à la Monusco, lequel consiste en la protection des populations civiles.
Mais, tous les observateurs avisés reconnaissent que les violences tant brandies ne sont que la face visible de l’iceberg. Il s’agit de vrais enjeux des Grands Lacs, notamment l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC et l’entretien du climat d’instabilité dans le pays afin de justifier le projet de balkanisation de l’ex-Colonie belge.
Tapis à l’ombre, les commanditaires tisonnent et mettent de l’huile sur le brasier de l’Est du Congo. Tant qu’ils ne seront pas mis à nu et impliqués dans la recherche des solutions, la paix dans l’Est sera un leurre et, par ricochet, la stabilité de RDC restera une gageure.
Source: Le Potentiel, du 18/02/2011
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