L’histoire va-t-elle se répéter en République démocratique
du Congo (RDC) ? On se souvient de l’avancée inexorable des troupes rebelles
sous la houlette de Laurent Désiré Kabila qui avait contraint le Maréchal Mobutu
à prendre la poudre d’escampette. C’était hier. Mais, ce qui se passe
aujourd’hui pourrait être une répétition de l’histoire. Le Mouvement du 23-Mars
(M23) avance sans rencontrer une résistance réelle des troupes gouvernementales.
Cette rébellion hostile au pouvoir en place à Kinshasa gagne facilement
du terrain, les villes tombant entre leurs mains avec une facilité
déconcertante. Autant dire qu’à l’allure où vont les choses, si les rebelles ne
sont pas stoppés dans leur avancée et s’ils ne lèvent pas le pied de
l’accélérateur, ils peuvent avoir assez rapidement Kinshasa en ligne de mire.
Heureusement pour le régime que ces mutins, du moins officiellement,
n’envisagent pas poursuivre leur offensive dans ce sens. Mais sait-on jamais ?
On en est encore loin, mais un tel scénario avec les rebelles aux portes de
Kinshasa n’est pas à négliger dans un pays où les régimes se font et se défont à
la force de la baïonnette depuis les indépendances.
Cette avancée
fulgurante des rebelles laisse imaginer deux choses : ou bien les troupes
gouvernementales sont dans l’incapacité de leur faire face ou bien elles ont
décidé de ne pas le faire. Ces troupes, en plus d’être mal équipées, ont
peut-être pris conscience que pour la survie d’un tel régime qui ne se soucie
guère de l’amélioration de leurs conditions de vie, le sacrifice n’en vaut pas
la peine. Si tel était le cas, le Général Kabila serait en sursis et pourrait,
un jour ou l’autre, goûter au sort pas du tout enviable du Maréchal
Mobutu.
Ce regain de tensions dans le pays, en plus des raisons internes,
peut trouver une justification dans l’agenda international. La grand- messe de
la Francophonie, prévue pour se tenir à Kinshasa est, selon toute évidence, un
enjeu considérable. C’est une occasion de marketing politique. Kabila espère par
là attirer des invités de marque et soigner son image écornée au sein des
populations et aussi de la communauté internationale. Ses adversaires,
conscients de cela, veulent profiter de ce moment pour faire entendre leur voix
et gâcher autant que faire se peut la fête.
Inutile d’ajouter que cette
offensive n’est pas une bonne nouvelle pour le régime Kabila déjà en proie aux
critiques des défenseurs de la démocratie et des droits de l’Homme. Face à la
controverse que son choix soulève dans l’opinion internationale, la Francophonie
se ferait certainement le devoir de retirer au pays de Kabila, l’organisation de
son prochain sommet si le temps se gâtait. Et tant mieux pour elle si elle peut
justifier officiellement un tel retrait par la grande insécurité dans laquelle
est plongé le pays suite à cette offensive des mutins du colonel Sultani
Makenga, soupçonnés de faire le jeu de Bosco Ntaganda recherché par la Cour
pénale internationale (CPI) pour des crimes qu’il aurait commis en
Ituri.
En vérité, ce qui arrive en RDC n’est pas vraiment étonnant.
L’armée, à l’image du pays balkanisé, manque crûment d’unité. Le président
Joseph Kabila qui a hérité du pouvoir suite à l’assassinat de son père, alors
chef de l’Etat, n’a pas réussi à rassembler les différentes factions armées et à
permettre à son pays de s’engager résolument sur la voie de la pacification.
Certes, sa tâche n’était pas facile au départ au regard du fait qu’il a hérité
d’un pays fragmenté et faisant l’objet de toutes les convoitises à cause de
l’insolence de ses richesses naturelles. Mais, il n’a visiblement pas fait
grand-chose pour ramener la cohésion et la concorde dans son pays. Bien au
contraire ! Dès le début de sa prise de fonction, il avait une carence de
légitimité comme tous ces fils ou frères de présidents qui, du simple fait de
leur lien de parenté, accèdent au fauteuil présidentiel par voie de succession
comme s’il s’agissait de monarchies et ce, aux travers d’imposition ou de
compromis politiques aux contours brumeux. Nul doute que ce genre de pouvoir
servi sur un plateau d’argent et n’ayant par conséquent pas fait l’objet d’une
préparation en bonne et due forme de son détenteur, aura du mal à s’exercer dans
les règles de l’art. Le président Joseph Kabila n’a pas travaillé à pacifier son
pays et à améliorer le sort des populations qui paient régulièrement un lourd
tribut dans les combats entre les différentes factions rivales pour le contrôle
des zones aux immenses ressources minières et forestières. Il n’a pas, à ce
jour, su faire grand-chose pour améliorer la gouvernance du pays. C’est un fait
établi. La République démocratique du Congo de Joseph Kabila, à l’instar de
celle de son père et d’ailleurs de celle de Mobutu, est divisée et n’est pas un
exemple de démocratie. Ce ne sont pas les dernières élections en date qui
réussiront à convaincre du contraire. On a en effet, fraîchement en mémoire les
conditions désastreuses dans lesquelles Kabila fils a acquis la prolongation de
son bail au sommet de l’Etat. Une élection présidentielle dont la fiabilité a la
blancheur du charbon de bois. Dans ces conditions, si par malheur pour lui, le
M23 venait à lui faire boire la même coupe que Mobutu, il ne s’en trouverait pas
grand monde pour pleurer son sort.
Source: Le Pays, du 10/07/2012
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