L'assassinat dans des circonstances mystérieuses du général Abdel Fatah Younès, rallié à la rébellion libyenne après avoir été un pilier du régime du colonel Mouammar Kadhafi, a constitué pour les insurgés un coup dur, politique et militaire.
Dans un communiqué publié samedi, l'Otan a de son côté annoncé avoir mené une série de frappes de précision contre trois émetteurs de la télévision libyenne afin de "réduire le colonel Kadhafi au silence".
Au moins une dizaine d'explosions ont été entendues vendredi peu après 22 heures (20H00 GMT) depuis le centre-ville de Tripoli, a constaté un journaliste de l'AFP, et entre 1H00 et 2H00, de nouvelles explosions ont été entendues, notamment dans le secteur de la résidence du colonel Mouammar Kadhafi, au centre de Tripoli.
Le général Abdel Fatah Younès, le chef d'état-major des rebelles, a été tué jeudi par un groupe d'hommes armés après avoir été rappelé du front pour un interrogatoire sur des questions militaires à Benghazi, le fief des insurgés, en Libye orientale, a annoncé le président du Conseil national de transition (CNT, la direction politique de la rébellion), Moustapha Abdeljalil.
Deux colonels ont trouvé la mort en même temps que lui, a ajouté M. Abdeljalil au cours d'une conférence de presse jeudi soir, précisant que le chef des tueurs avait été arrêté.
Vendredi soir, le porte-parole du régime libyen, Moussa Ibrahim, a accusé Al-Qaïda d'être derrière l'assassinat. "Par cet acte, Al-Qaïda voulait marquer sa présence et son influence dans cette région" de l'est contrôlée par la rébellion, a déclaré M. Ibrahim dans une conférence de presse.
Selon lui, "les autres membres du Conseil national de transition étaient bien au courant mais ne pouvaient pas réagir parce qu'ils sont terrifiés par Al-Qaïda".
La rébellion a décrété trois jours de deuil et imputé la responsabilité de la mort du général Younès aux forces loyales au régime de Tripoli. "L'intervention de Kadhafi est très claire dans cette affaire", a déclaré vendredi un haut responsable des rebelles ayant requis l'anonymat.
Un millier de personnes ont participé vendredi aux funérailles d'Abdel Fatah Younès à Benghazi.
"Nous avons été choqués par son assassinat parce que c'était pour nous un dirigeant important", a dit Farah Dorbak, 51 ans, avant de se rendre au cimetière Al-Hiwary pour honorer sa mémoire.
"Kadhafi peut tuer tout le monde. C'est ce qu'il a fait pendant 42 ans" à la tête de la Libye, a assuré Moustafa Bayou, 55 ans.
Le général Younès, qui avait fait défection en février, "était un gros atout pour nous parce qu'il a travaillé si longtemps pour Kadhafi qu'il savait tout de ses soldats", a souligné de son côté Mohammed Al-Reibi, un ingénieur âgé de 21 ans.
Parallèlement, les raisons pour lesquelles le CNT voulait l'interroger étaient au centre de tous les commentaires.
Et certains redoutent, après son décès, des divisions au sein de la rébellion au moment où celle-ci progresse, que ce soit sur le front diplomatique, avec la reconnaissance entière de la France et du Royaume-Uni, ou sur le terrain militaire, avec des avancées jusqu'au port de Brega (est) et dans les montagnes au sud-ouest de la capitale.
Appel des Etats-Unis à l'unité des rebelles
Sa mort a aussi provoqué un large spectre de rumeurs, d'aucuns considérant que les insurgés l'avaient eux-mêmes assassiné, le soupçonnant de trahison.
"Je vous demande de ne pas prêter attention aux rumeurs que les forces de Kadhafi essaient de propager dans nos rangs", a répliqué M. Abdeljalil jeudi soir.
Personne ne dispose de toutes les réponses, mais "cela viendra avec le temps", a affirmé ce haut responsable interrogé vendredi par l'AFP, relativisant les risques de dissensions internes ou de règlements de comptes de la part de soldats ayant suivi Abdel Fatah Younès ou de membres de sa tribu.
"Les gens savent que (ces dissensions) sont dans l'intérêt de Kadhafi et les gens sont contre Kadhafi. Même les membres de sa tribu ont été raisonnables, conscients qu'il s'agissait d'un piège de Kadhafi pour créer des problèmes", a-t-il déclaré.
Deux responsables de la tribu Al-Obeidi, dont était issu le général Younès, étaient présents jeudi soir à la conférence de presse de M. Abdeljalil.
Le général Younès avait occupé, avant son ralliement à la rébellion, les fonctions de ministre de l'Intérieur. Il avait participé au coup d'Etat qui avait porté Mouammar Kadhafi au pouvoir en 1969.
Il avait rejoint très tôt les insurgés, tout comme Moustapha Abdeljalil, alors ministre de la Justice, après le début du mouvement de contestation contre le colonel Kadhafi, le 15 février.
Après son assassinat, Washington a exhorté les rebelles à rester unis et concentrés sur leur objectif de renverser le colonel Kadhafi : "Ce qui est important, c'est qu'ils oeuvrent de manière à la fois rapide et transparente à assurer l'unité de l'opposition libyenne", a déclaré le département d'Etat.
La France, l'un des principaux soutiens internationaux à la rébellion, a, pour sa part, appelé à la prudence sur les explications et les responsabilités dans cette affaire.
"Ce qui s'est exactement passé reste peu clair", a de son côté noté la Grande-Bretagne, autre acteur-clé au sein de la coalition internationale.
Au plan militaire, l'aviation norvégienne effectuera sa dernière mission de combat en Libye samedi, deux jours avant la fin officielle de sa participation à l'opération aérienne dirigée par l'Otan.
Source: Corse Matin, Publié le samedi 30 juillet 2011 à 07H11
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