«Joseph Kabila» a présidé jeudi 30 juin à Lubumbashi une impressionnante parade militaire à l’occasion de la célébration du 51ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo. L’épithète «impressionnante» pourrait surprendre alors que des bandes armées continuent - depuis plus d’une décennie - à faire couler du sang et des larmes dans les deux provinces du Kivu et dans la Province Orientale. Uniformes impeccables, bottes en cuir bien cirées, fusil automatique AK 47 pimpant neuf. Les soldats des FARDC ont la réputation de ne faire preuve de "bravoure" que lors des parades. Et non pour assurer la défense du territoire national.
La célébration d’un anniversaire est toujours l’occasion d’évaluer le chemin parcouru. Investi le 6 décembre 2006, «Joseph Kabila» a fait son autoévaluation. Dans son allocution à la nation, il s’est félicité du «bilan à mi-parcours» ( ?) des réalisations du programme dit «cinq chantiers du chef de l’Etat». Mi-parcours? Voilà un terme impropre à quelques six mois de la fin de la législature dont la durée est de cinq ans.
Il faut dire que «Kabila», à l’instar de ses prédécesseurs, a fait beaucoup de promesses. Il avait même promis de faire du Congo «la Chine de 2011». Il avait sorti de son chapeau, tel un prestidigitateur, le programme dit «cinq chantiers» : créer des emplois, moderniser les infrastructures de base et les secteurs de l’éducation et de la santé. Sans oublier l’eau courante et l’électricité et le logement. Qu’en est-il des réalisations? Si quelques routes ont certes été réhabilitées grâce notamment aux financements de la Banque mondiale et de l’Union européenne, les secteurs ayant un impact social ont été oubliés. C’est le cas de l’eau et de l’électricité mais aussi de la santé et de l’éducation. Par ailleurs, les Congolais continuent à importer tout ce qu’ils consomment.
Le président sortant qui vit décidément dans un autre monde parle des «progrès notables» réalisés au niveau de la «réhabilitation et la construction des infrastructures de base, notamment dans les secteurs des routes, de la santé, de l’éducation, de l’économie, de l’agriculture et des mines.» Comme à son habitude, il a mis aussitôt un bémol en reconnaissant «qu’un effort reste à fournir en vue de l’amélioration du secteur de l’eau et de l’électricité».
Pour faire diversion, "Joseph" a annoncé quelques projets à réaliser. Des projets dont le coût n’est guère chiffré. L’origine du financement reste inconnu. C’est le cas de la «construction prochaine» d’une deuxième ligne à haute tension du barrage hydroélectrique d’Inga, au Bas-Congo, à Kinshasa et l’érection des centrales de Zongo II (Bas-Congo), de Kakobola (Bandundu) et de Katende (Kasaï Occidental). Pour les naïfs, ces annonces sonnent comment des réalisations.
Dans son discours, «Kabila» qui se contente de lire les textes préparés par ses collaborateurs parle de «l’augmentation de 7 % du taux de croissance». Peut-on parler de croissance véritable dans un pays qui ne produit rien, n’exporte rien sauf quelques tonnes de matières premières et dont la grande majorité de la population vit dans la précarité avec moins d’un dollar US par jour?
Plus inquiétant, «Joseph» continue à soutenir, en dépit de l’évidence, que «la paix et la tranquillité règnent sur toute l’étendue du territoire national grâce à l’armée, à la police et aux services de sécurité». Les viols de femmes dans les provinces du Kivu, les attaques des rebelles ougandais de Joseph Kony dans les districts des Uélés, Province Orientale, seraient donc des faits imaginaires.
Cinquante et une années après l’accession du Congo à l’indépendance, rien n’a vraiment changé tant au niveau de la conception du pouvoir d’Etat qu’au niveau des rapports entre le pouvoir politique et le citoyen.
Depuis le 30 juin 1960 à ce jour, la RD Congo patauge dans un immobilisme sans fin. L’arrivée de «Joseph Kabila» au sommet de l’Etat n’a pas apporté la rupture escomptée par les partisans d’un «renouvellement du personnel politique» comme si le "mal congolais" n’était qu’une question de "conflit des générations".
Deux raisons majeures peuvent expliquer cet immobilisme. Primo : le pouvoir d’Etat continue à être considéré non pas comme un service à rendre à la collectivité mais comme une «machine à sous». Un gagne-pain. Le pouvoir politique devient ainsi un droit personnel et non une charge. Les réjouissances organisées par les ressortissants de tel ou tel autre coin du pays pour «fêter» la nomination d’un des leurs en témoignent.
Secundo : contrairement aux discours prononcés depuis le 30 juin 1960 à ce jour, l’homme reste le principal oublié. La grande masse de la population continue à être traitée avec le plus grand mépris par les puissants du moment. Les besoins essentiels de la population ne sont pas rencontrés. L’absence de souci social est totale au niveau des gouvernants. A Lubumbashi, «Joseph Kabila» n’a pas dérogé à cette «règle» non écrite en mettant l’accent sur ses «réalisations» au niveau des infrastructures. Pendant que la population peine à avoir de l’eau courante et de l’électricité, la Présidence de la République rêve d’un projet pharaonique consistant à ériger une nouvelle ville de Kinshasa. Une sorte d’Abuja congolaise.
Au total, depuis le 30 juin 1960 à ce jour, le Congo souffre des mêmes maux : la privatisation de l’Etat, l’injustice, l’arbitraire, la corruption, l’impunité, le tribalisme et le régionalisme. Depuis le 1er avril 2011, la Belgique a un nouveau gouverneur de la Banque nationale. Il s’agit de Luc Coene. Il remplace à ce poste Guy Quaden qui a accompli deux mandats de cinq ans. Depuis 1997 à ce jour, la Banque centrale du Congo (BCC) est dirigée par Jean-Claude Masangu Mulongo. Lors du lancement du Franc congolais en 1998, le dollar américain était échangé contre 1,32 fc. Treize années après, pour acheter le même billet vert, la ménagère congolaise doit débourser plus de 900 francs. Au moment où la terre entière parle de la bonne gouvernance consistant notamment à exiger aux gestionnaires "de rendre compte", le même gouverneur de la BCC continue à garder son poste. Est-ce pour son expertise ou pour des considérations très peu avouables?
A quelques mois de la fin de la législature (2006-2011), le besoin de Changement reste vivace au sein de la population congolaise. La population congolaise se considère à juste titre comme abandonnée à son triste sort par des dirigeants irresponsables. Egoïstes. Des dirigeants dénués de tout sens du respect de la vie et de la dignité de la personne humaine. Les affaires Chebeya, Bazana et Tungulu sont encore fraîches en mémoire. La population appelle de tous ses voeux l’avènement des gouvernants sensibles à leur aspiration à une meilleure qualité de la vie. Des gouvernants qui donnent priorité à la sécurité des personnes et des biens, au progrès économique et social par une politique d’abondance et la promotion d’une réelle vie démocratique.
Candidat à sa propre succession, le président sortant «Joseph Kabila» semble refuser de regarder la vérité en face pour constater qu’il ne fait plus illusion dans sa capacité à donner de l’espérance. Il ne fait plus «rêver» que les membres de la petite oligarchie et autres courtisans qui gravitent autour de sa personne. «Kabila» aurait tort d’utiliser la ruse ou les moyens de coercition de l’Etat pour s’imposer à un peuple qui désire ardemment un autrement avenir. Un peuple qui veut fendre l’armure de l’immobilisme qui l’emprisonne depuis un demi-siècle.
La célébration d’un anniversaire est toujours l’occasion d’évaluer le chemin parcouru. Investi le 6 décembre 2006, «Joseph Kabila» a fait son autoévaluation. Dans son allocution à la nation, il s’est félicité du «bilan à mi-parcours» ( ?) des réalisations du programme dit «cinq chantiers du chef de l’Etat». Mi-parcours? Voilà un terme impropre à quelques six mois de la fin de la législature dont la durée est de cinq ans.
Il faut dire que «Kabila», à l’instar de ses prédécesseurs, a fait beaucoup de promesses. Il avait même promis de faire du Congo «la Chine de 2011». Il avait sorti de son chapeau, tel un prestidigitateur, le programme dit «cinq chantiers» : créer des emplois, moderniser les infrastructures de base et les secteurs de l’éducation et de la santé. Sans oublier l’eau courante et l’électricité et le logement. Qu’en est-il des réalisations? Si quelques routes ont certes été réhabilitées grâce notamment aux financements de la Banque mondiale et de l’Union européenne, les secteurs ayant un impact social ont été oubliés. C’est le cas de l’eau et de l’électricité mais aussi de la santé et de l’éducation. Par ailleurs, les Congolais continuent à importer tout ce qu’ils consomment.
Le président sortant qui vit décidément dans un autre monde parle des «progrès notables» réalisés au niveau de la «réhabilitation et la construction des infrastructures de base, notamment dans les secteurs des routes, de la santé, de l’éducation, de l’économie, de l’agriculture et des mines.» Comme à son habitude, il a mis aussitôt un bémol en reconnaissant «qu’un effort reste à fournir en vue de l’amélioration du secteur de l’eau et de l’électricité».
Pour faire diversion, "Joseph" a annoncé quelques projets à réaliser. Des projets dont le coût n’est guère chiffré. L’origine du financement reste inconnu. C’est le cas de la «construction prochaine» d’une deuxième ligne à haute tension du barrage hydroélectrique d’Inga, au Bas-Congo, à Kinshasa et l’érection des centrales de Zongo II (Bas-Congo), de Kakobola (Bandundu) et de Katende (Kasaï Occidental). Pour les naïfs, ces annonces sonnent comment des réalisations.
Dans son discours, «Kabila» qui se contente de lire les textes préparés par ses collaborateurs parle de «l’augmentation de 7 % du taux de croissance». Peut-on parler de croissance véritable dans un pays qui ne produit rien, n’exporte rien sauf quelques tonnes de matières premières et dont la grande majorité de la population vit dans la précarité avec moins d’un dollar US par jour?
Plus inquiétant, «Joseph» continue à soutenir, en dépit de l’évidence, que «la paix et la tranquillité règnent sur toute l’étendue du territoire national grâce à l’armée, à la police et aux services de sécurité». Les viols de femmes dans les provinces du Kivu, les attaques des rebelles ougandais de Joseph Kony dans les districts des Uélés, Province Orientale, seraient donc des faits imaginaires.
Cinquante et une années après l’accession du Congo à l’indépendance, rien n’a vraiment changé tant au niveau de la conception du pouvoir d’Etat qu’au niveau des rapports entre le pouvoir politique et le citoyen.
Depuis le 30 juin 1960 à ce jour, la RD Congo patauge dans un immobilisme sans fin. L’arrivée de «Joseph Kabila» au sommet de l’Etat n’a pas apporté la rupture escomptée par les partisans d’un «renouvellement du personnel politique» comme si le "mal congolais" n’était qu’une question de "conflit des générations".
Deux raisons majeures peuvent expliquer cet immobilisme. Primo : le pouvoir d’Etat continue à être considéré non pas comme un service à rendre à la collectivité mais comme une «machine à sous». Un gagne-pain. Le pouvoir politique devient ainsi un droit personnel et non une charge. Les réjouissances organisées par les ressortissants de tel ou tel autre coin du pays pour «fêter» la nomination d’un des leurs en témoignent.
Secundo : contrairement aux discours prononcés depuis le 30 juin 1960 à ce jour, l’homme reste le principal oublié. La grande masse de la population continue à être traitée avec le plus grand mépris par les puissants du moment. Les besoins essentiels de la population ne sont pas rencontrés. L’absence de souci social est totale au niveau des gouvernants. A Lubumbashi, «Joseph Kabila» n’a pas dérogé à cette «règle» non écrite en mettant l’accent sur ses «réalisations» au niveau des infrastructures. Pendant que la population peine à avoir de l’eau courante et de l’électricité, la Présidence de la République rêve d’un projet pharaonique consistant à ériger une nouvelle ville de Kinshasa. Une sorte d’Abuja congolaise.
Au total, depuis le 30 juin 1960 à ce jour, le Congo souffre des mêmes maux : la privatisation de l’Etat, l’injustice, l’arbitraire, la corruption, l’impunité, le tribalisme et le régionalisme. Depuis le 1er avril 2011, la Belgique a un nouveau gouverneur de la Banque nationale. Il s’agit de Luc Coene. Il remplace à ce poste Guy Quaden qui a accompli deux mandats de cinq ans. Depuis 1997 à ce jour, la Banque centrale du Congo (BCC) est dirigée par Jean-Claude Masangu Mulongo. Lors du lancement du Franc congolais en 1998, le dollar américain était échangé contre 1,32 fc. Treize années après, pour acheter le même billet vert, la ménagère congolaise doit débourser plus de 900 francs. Au moment où la terre entière parle de la bonne gouvernance consistant notamment à exiger aux gestionnaires "de rendre compte", le même gouverneur de la BCC continue à garder son poste. Est-ce pour son expertise ou pour des considérations très peu avouables?
A quelques mois de la fin de la législature (2006-2011), le besoin de Changement reste vivace au sein de la population congolaise. La population congolaise se considère à juste titre comme abandonnée à son triste sort par des dirigeants irresponsables. Egoïstes. Des dirigeants dénués de tout sens du respect de la vie et de la dignité de la personne humaine. Les affaires Chebeya, Bazana et Tungulu sont encore fraîches en mémoire. La population appelle de tous ses voeux l’avènement des gouvernants sensibles à leur aspiration à une meilleure qualité de la vie. Des gouvernants qui donnent priorité à la sécurité des personnes et des biens, au progrès économique et social par une politique d’abondance et la promotion d’une réelle vie démocratique.
Candidat à sa propre succession, le président sortant «Joseph Kabila» semble refuser de regarder la vérité en face pour constater qu’il ne fait plus illusion dans sa capacité à donner de l’espérance. Il ne fait plus «rêver» que les membres de la petite oligarchie et autres courtisans qui gravitent autour de sa personne. «Kabila» aurait tort d’utiliser la ruse ou les moyens de coercition de l’Etat pour s’imposer à un peuple qui désire ardemment un autrement avenir. Un peuple qui veut fendre l’armure de l’immobilisme qui l’emprisonne depuis un demi-siècle.
Author: Baudouin Amba Wetshi
Source: Congoindépendant 2003-2011, du02 Juillet 2011
Source: Congoindépendant 2003-2011, du02 Juillet 2011
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