Dernière modification : 02/12/2011
Le Burundi bascule dans la violence. Les attaques de villages et les assassinats ciblés se multiplient. Une nouvelle rébellion est née contre le régime du président Nkurunziza. Nos reporters ont rencontré le chef de ces rebelles dans les montages du Sud-Kivu. Pour la première fois, il a accepté de parler à des journalistes.
Par Pauline SIMONET
Ce jeudi 1er décembre est le premier jour de diffusion de notre Reporter sur la nouvelle rébellion et sur les tensions politiques au Burundi. Mais le signal de FRANCE 24 est soudainement brouillé dans le pays. Je reçois de nombreux appels de Burundais, frustrés. Les occasions sont si rares de voir des reportages sur leur pays dans les médias internationaux.
Cela fait plusieurs mois que j'y pensais. Le Burundi s'enfonce à petit feu dans une nouvelle guerre, mais on n'en parle pas. Ou si peu. Il faut bien le dire, le Burundi, niché au cœur de l'Afrique des Grands Lacs entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) n'intéresse guère la communauté internationale. C'est l'un des plus petits pays du continent, son sous-sol ne recèle pas de grandes richesses et son rôle régional est limité. L'histoire tragique du Burundi n'a pas eu le retentissement médiatique du génocide et du conflit au Rwanda. Lorsqu'une nouvelle rébellion se forme, le Fronabu Tabara, qui commence à diffuser des communiqués sur internet, je saisis l'occasion. Le conflit se matérialise. Un bon point de départ pour un reportage. Mais encore faut-il l'approcher, aller à sa rencontre. Il faudra plusieurs semaines de préparation. Les hommes en armes sont timorés, ils craignent de tomber dans un guet-apens.
Un contact est finalement établi. Les rebelles donnent leur accord. Mais ce n'est qu'une fois arrivés à Bujumbura début novembre que nous connaîtrons les détails de la rencontre. Elle aura lieu de l'autre côté du lac Tanganika dans l'Est de la RDC... Il faudra grimper dans les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu. C'est là que le nouveau groupe armé a installé sa base arrière.
Deux jours de marche
Nous devons rencontrer nos "passeurs" à Uvira, la ville jumelle de Bujumbura, côté congolais. Mais le départ est plusieurs fois reporté. Nous sommes en pleine période électorale en RDC, le président Joseph Kabila est en campagne dans la région... Les postes de militaires congolais se sont multipliés.
Difficile de passer inaperçue. Les téléspectateurs de FRANCE 24 me reconnaissent. Cela ralentira le passage de la frontière congolaise.
Après plusieurs échecs, nous voici de l'autre côté de la frontière en compagnie de nos guides, au pied des montagnes. Les rebelles sont à trois heures de marche, nous dit-on, on devrait arriver avant la tombée de la nuit. Je me rassure, le périple est à ma portée. Ce seront en fait deux longues journées de marche qui seront nécessaires pour arriver au point de rencontre. Sur des chemins escarpés, rocailleux, à pic. Nous dormons chez l'habitant. Première nuit dans un village bafulero, où l'on égorge un poulet pour accueillir les étrangers, accompagné de pâte de manioc. Au petit matin, on nous assure encore que nous toucherons au but trois heures plus tard… Il faudra une journée de plus pour y parvenir. La fatigue, l'impatience et la légère irritation qui nous tenaillent, face à l'incertitude de notre périple, sont largement compensées par la beauté, à couper le souffle, des paysages de ces Hauts-Plateaux Banyamulenge. Et par la rencontre passionnante avec ces familles de pasteurs Tutsis, d'origine rwandaise ou burundaise, installées dans cette région il y a plus d'un siècle à la recherche de pâturage.
Deuxième nuit dans les montagnes du Sud Kivu. Nous dormons dans un village banyamulenge à près de 2500 mètres d'altitude. Une plongée dans le passé. Ces populations ont gardé quasiment intactes les traditions de leurs ancêtres remontant à la période du "mwami", de la monarchie tutsi, au Rwanda et au Burundi...
Leurs habitations sont de grandes cases arrondies, surmontées d'un toit de paille. Les murs sont peints de formes géométriques avec une mixture surprenante : de la bouse de vache teintée de terre colorée noir, blanc, orange, jaune ou rouge. Les discussions au coin du feu se prolongent dans la nuit avec nos hôtes : les plus vieux parlent un français impeccable et nous racontent leurs difficultés, les attaques et les pillages récurrents des nombreux groupes armés installés dans la région, les moutons et les vaches qui manquent régulièrement à l'appel. Mais aussi l'histoire ancestrale de leur famille.
Soudain, retour forcé et brutal à la réalité. Alors que la nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures, une vingtaine d'hommes en armes débarquent dans le village. Ce sont les rebelles que nous devons rencontrer.
Author:Un grand reportage de Pauline SIMONET et Julien SAUVAGET
Source: FRANCE 24, du 02/12/2011
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