Note du modérateur: Ma connaissance de la région est-congolaise, plus particulièrement celle du Nord Kivu, me pousse à mettre en garde les lecteurs que cet article, bien que bien écrit, contient néanmoins, quelques approximations DU aux vielles rivalités nandé-hutu et tutsi et une bonne portion de spéculations!-----------------------------------------------------------------------------------------
Le Gouvernement de Barack Obama a nommé Mr Barrie Walkley Représentant Spécial du Département d’Etat Américain pour la Région des Grands Lacs le 12 Décembre 2011. Avant sa nomination, Mr Barrie Walkley était Chargé d’Affaires à Juba, Capitale du Sud-Soudan depuis son indépendance au mois de juillet 2011.
A cause de ce passage au Sud-Soudan, les congolais qui suspectent les USA de vouloir balkaniser la RDC pensent que Mr Barrie Walkley a été nommé Représentant Spécial des USA dans la région des Grands pour poursuivre la balkanisation de la RDC.
Le soupçon est-il fondé ? Il n’y a aucun doute que le projet de balkanisation de la RDC est toujours sur la table des Grandes Puissances. La Présence de l’Africom en Province Orientale, la sur-militarisation de l’Est du pays ainsi que l’afflux des rwandais dans les zones minières de l’Est du pays, le commandement mono-ethnique rwandophone de l’armée et de la police déployées à l’Est du pays, sont autant des signes que la balkanisation est toujours en marche.
De son côté, le peuple congolais s’oppose toujours à cette balkanisation sourdine depuis l’occupation rwando-ougandaise de la RDC en 1996. La grande différence entre la RDC et le Sud-Soudan est que la population sud-soudanaise était demanderesse de la balkanisation du Soudan. Ce qui n’est pas le cas pour la population congolaise.
Certains analystes pensent que faire du Rwanda le centre de la RDC constitue le blocage principal au projet de balkanisation voire celui de l’intégration régionale de la RDC dans la zone économique East Africa. En effet, les congolais sont devenus suspicieux de tout ce qui vient du Rwanda. Toujours est-il que cette suspicion n’est pas due à une haine ethnique ni à la rareté des ressources ou de la terre cultivable comme d'aucuns le pensent. Il s’agit d’une question d’honneur. Les congolais qui ne vivaient pas des minerais qui attirent aujourd’hui les grandes puissances dans la région se sentent blessés dans leur amour propre. Ils n’ont pas encore intègré dans leur imaginaire collectif l’eldorado économique, les 5 chantiers, ... que les grandes puissances miroitent à leurs yeux et qu'elles voudraient réaliser par des rwandais en RDC. Pour les congolais, l'occupation du géant qu’est la RDC par un petit Rwanda est l’humiliation qui alimente la résistance congolaise contre le Rwanda. Ainsi, on peut dire que l'honneur que le peuple congolais voudrait retrouver, relativise toutes les promesses économiques des grandes puissances. Le langage de la bourse qui serait bientôt installée au Rwanda n'est pas comprehensible à un grand peuple qui souffre toujours de son humiliation et qui pense que toutes les grandes puissances sont contre lui. Il y a ainsi un dialogue de sourds entre les grandes puissances et le peuple congolais. Quand le peuple congolais demande la paix, les grandes puissances lui construisent un boulevard triomphal...
Pour comprendre la résistance farouche au Rwanda , il faut partir du rapport socioculturel qui existait entre la RDC et le Rwanda avant l’arrivée des extrémistes fascistes au pouvoir au Rwanda, Burundi, et Ouganda.
Avant et pendant le long règne sans partage de Mobutu, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda étaient considérés par les congolais comme des petits pays toujours à problèmes. Les congolais, surtout à l’Est du pays, avaient une image des rwandais, burundais, et ougandais comme réfugiés, mendiants, nécessiteux qu’ils accueillaient chaque fois qu’il y avait génocide chez eux (cas du Rwanda et du Burundi) ou un coup d’état militaire sanglant (cas de l’Ouganda). En plus de cela, les rwandais et les burundais étaient connus comme éleveurs des vaches, un métier que les congolais entourent de beaucoup de mépris. A part cela, il y avait d’autres petites différences socioculturelles telles que :
- la façon de parler français (par exemple la difficulté qu’ont les rwandais à prononcer la lettre « l »),
- la grande taille qui n’est pas un signe de grande beauté chez les bantous,
- le manque des stars rwandais en musique, football, etc. connus en RDC,
Ces petites différences dans l’imaginaire collectif des congolais font des rwandais un peuple à part, différent, moins développé que les congolais.
Au cours des dernières années du règne de Juvénal Habyarimana, les congolais commençaient à chercher du boulot au Rwanda et au Burundi comme enseignants, artistes-musiciens, footballeurs, etc. Le génocide de 1994 mit fin à ce début de collaboration et de rapprochement spontanés entre les congolais et les rwandais. Malgré cela, on peut voir que cette collaboration était à sens unique. En effet, c’étaient des congolais qui allaient aider le Rwanda et le Burundi et pas l’inverse.
Militairement, le régime de Mobutu qui jouissait alors de l’appui de la troïka USA-France-Belgique apportait souvent son aide militaire au régime de Juvénal d’Habyarimana. En 1990 lors de l’invasion du Rwanda par le FPR de Fred Rwigema à partir de l’Ouganda, c’est l’armée zaïroise qui porta secours au Rwanda pour repousser ou contenir les avancées du FPR. Jamais le zaïre n’avait demandé de l’aide de l’armée rwandaise. Le zaïre était le géant au niveau régional. Grace à l’aide de la Troïka, son armée était considérée comme invincible. Le peuple congolais ( zaïrois) avait ainsi développé sur tout le continent africain une grande idée de lui-même, une vocation panafricaniste avec la RDC comme centre. Vouloir faire de ce centre de l’Afrique une périphérie gravitant autour du nouveau centre qu’est le petit Rwanda est le crime de lèse-majesté qui est la cause principale de la résistance congolaise au Rwanda.
Ceux qui se basent seulement sur les facteurs économiques et l’état manqué de la RDC pour expliquer le conflit congolais, oublient souvent les différences socioculturelles qui nourrissent la résistance du peuple congolais à tout ce qui vient du Rwanda, et par conséquent, font échec au projet de balkanisation.
Tenant compte de cet état des choses, le projet d’intégration économique régionale devait avoir comme centre la République Démocratique du Congo, le pays qui en possède les ressources requises. Quand tout allait relativement bien au Zaïre, les rwandais venaient y travailler et étudier. Il y en a qui profitaient de ces relations de bon voisinage pour s’installer définitivement au Zaïre. En d’autres termes, le mouvement des rwandais vers le Zaïre ne posait pas autant des problèmes comme aujourd’hui. Mais le fait de renverser par la force le rapport socioculturel et psychologique qui a toujours existé entre les Congolais et les Rwandais est le nœud du problème et l’origine de la farouche résistance congolaise.
L’installation à Kigali de l’envoyé spécial des USA dans la région des Grands Lacs risque ainsi de renforcer cette crise d’honneur entre la RDC et le Rwanda. Restaurer l’honneur du peuple congolais est, à notre avis, la recette qui manque aux initiatives actuelles de rapprochement entre les congolais et les rwandais. Mettre fin à la guerre d’agression rwando-ougandaise, redonner aux congolais leur honneur d’antan, développer le secteur économique en RDC,… et le trop plein des rwandais au Pays des Milles Collines qui s’infiltrent actuellement en RDC viendraient sans masques pour travailler dans les industries minières et agricoles selon la demande de la main d’œuvre. Les professeurs congolais pourraient aussi retourner enseigner au Rwanda comme à la belle époque de Juvénal Habyarimana. Mais vouloir diriger la RDC par un peuple tenu comme inférieur, sanguinaire, dans l’imaginaire collectif des congolais, c’est attiser le feu entre congolais et rwandais.
L’élection d’Etienne Tshisekedi offre ainsi une chance au rétablissement des congolais dans leur honneur d’antan, condition sine qua non de la paix dans la région des Grands Lacs Africains et de l’intégration de la RDC dans la zone économique de l’East Africa. Espérons que le Représentant Spécial Barrie Walkley se rendra compte de ce péché originel de la crise entre le Rwanda et la RDC et instruira les USA d’abandonner le Kagamisme et le Musevenisme, deux idéologies fascistes qui sont entrain de créer dans la région des conditions d’autres génocides inutiles. Vouloir installer le Kabilisme en R.D.C sur le modèle du Kagamisme et du Musevenisme serait pour les USA aller à l’encontre de la tradition démocratique de ses pères fondateurs. Ainsi la paix durable dans la région des Grands Lacs passe par la vraie démocratisation de tous les pays de la région et l’éradication de trois régimes extrémistes et fascistes, à savoir le Kagamisme, le Musevenisme, et le Kabilisme.
Edgar Kahindo
Butembo
©Beni-Lubero Online
source: Congo Libre, du 13/12/2011
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