La première question s’adresse au candidat Kabila : après un mois de campagne à travers le pays, qu’avez-vous découvert que vous ne connaissiez pas déjà ?
Parcourir un pays de 345 000 Km 2, c’est évidemment épuisant, et on apprend toujours beaucoup de choses dans ce sous continent. Cette campagne, c’était une sorte d’itinérance qui nous a permis de nous remettre en cause au vu des lacunes constatées ici et là. L’une d’entre elles, ce sont les carences de l’administration, indispensable cependant à la modernisation du pays. Sans administration fiable, il est difficile de faire exécuter nos décisions jusqu’au niveau de la base. Cela pourrait être corrigé assez vite, il est possible d’insuffler plus de rigueur, de discipline…
Voilà dix ans que le président Kabila est au pouvoir. Quel est le point de votre bilan qui vous paraît le plus positif ?
Sans détour, c’est la paix et la sécurité. Voyez les onze candidats : s’ils ont pu sillonner le pays par route, par petit porteur, aller d’Est en Ouest, c’est parce qu’il y a la paix et la stabilité sur l’ensemble du territoire. C’est pour cela aussi que les 18000 candidats aux élections législatives ont pu mener campagne… L’autre point dont je suis fier c’est le début de la reconstruction. Je dis pas le développement, mais la reconstruction, nécéssaire au vrai décollage.
Pour le moment la reconstruction a démarré sur toute l’étendue du territoire national.. Les élections nous ont coûté 380 millions de dollars sur une période d’une année, ce qui est énorme. Certes, cela valait la peine, mais c’est cher…
Peut-être faudrait il redimensionner nos ambitions à ce propos, voir comment économiser. En termes de développement on fait beaucoup avec une telle somme…Mais d’un autre côté, l’exercice est indispensable car nous avons à tout prix besoin d’une stabilité politique. Elle est le gage d’une stabilité à long terme qui doit nous permettre d’attirer les investisseurs, de garantir la paix et finalement d’amorcer le décollage du pays.
Quel est, à vos yeux, le sens de ces élections ?
Il s’agît principalement de la consolidation des acquis, de 2006 jusqu’à ce jour. Nous venons de loin, de très loin…. La destruction du Congo date des années 60, la guerre a commencé au lendemain de l’indépendance. Pendant 40 ans, personne n’a pensé au développement et aujourd’hui il faut tout refaire. Un seul exemple : à Kindu, il y a un pont qui a été détruit lors de la rebellion de 1964 et jusqu’à ce jour il est resté en l’état.
La reconstruction est sans doute la base, mais la population assure que le social n’a pas progressé. N’est ce pas une urgence ?
Le social est certainement une urgence mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent qu’il n’ y a pas eu d’évolution entre 2006 et aujourd’hui. Je suis conscient du fait qu’il faut une amélioration mais vous ne pouvez donner ce que vous n’avez pas, il faut d’abord produire. Et pour cela, il faut avoir les infrastructures nécéssaires. C’est un travail difficile, de longue haleine…
La conjoncture n’a cependant pas été mauvaise pour le pays, le prix du cuivre a grimpé. On a le sentiment que la population n’a pas bénéficié de cette situation plus favorable…
J’ai récemment visité le Katanga et pensé que beaucoup de choses devaient être corrigées. En 2002, nous avons adopté un Code minier censé attirer les investisseurs . Mais une dizaine d’années plus tard, il faut refaire une évaluation voire une révision de ce code. Quand on voit les 400 ou 600 camions qui font chaque jour la route entre Kolwezi, Lubumbashi et la frontière zambienne, on se dit qu’il y a une disparité énorme entre les dividendes des sociétés qui sont venues investir et les retombées sur la population. Tout cela doit être corrigé le plus vite possible, en se mettant autour de la table avec les opérateurs, afin de faire en sorte que l’ exploitation des minerais du Congo soit aussi bénéfice au niveau social. La répartition doit être beaucoup plus équitable.
A l’occasion des conflits avec les sociétés minières le Congo est accusé de remettre en cause des accords signés…
Non, nous cherchons à équilibrer, c’est différent. La plupart des sociétés sont venues après l’adoption du Code minier mais le Congo aujourd’hui a besoin de sociétés solides et non de gens qui ne songent qu’à jouer en Bourse, à vendre et acheter…
Pour reviser le Code minier, allez vous vous inspirer de l’exemple de certains pays d’Amérique latine qui ont connu des expériences similaires ?
Nous sommes en contact avec la Bolivie, le Chili, la Zambie. Nous sommes parmi les plus grands producteurs de cuivre et nous avons l’objectif de nous concerter, afin d’harmoniser notre point de vue, nos options. Il ne faut pas que les sociétés jouent un pays contre l’autre…
Le Congo s’est ouvert à de nouveaux partenaires que ses interlocuteurs traditionnels. Est-ce bénéfique ?
Il faut avoir une lecture lucide de l’histoire de notre pays. Nous avons toujours connu dans ce pays des partenaires dits traditionnels mais depuis une quarantaine d’années, la population, dont je fais partie, commence à se poser des questions.
Ils nous parlent de la démocratie et c’est très bien mais la démocratie ce n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est le bien être de la population. Pour la démocratie, nous travaillons sans problème avec nos partenaires traditionnels, Mais pour le deuxième volet, le mieux être de la population, le développementdu pays, de ses infrastructures, nous pensons qu’il faut ouvrir nos portes à d’autres. C’est ce qui explique nos relations avec d’autres pays ; il n’y a pas que les Chinois, il y a aussi la Turquie, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, le Japon..
Il sembre d’ailleurs que ce soient vos nouveaux amis qui vous ont aidé à réussir les élections ?
A la dernière minute, nos amis traditionnels nous ont faussé compagnie. Dès le début, nous nous étions mis d’accord sur le fait que le gouvernement congolais allait financer 60% des élections. Il se fait qu’aujourd’hui c’est 80% des élections que nous avons du finalement couvrir, et nous avons aussi du compter sur l’appui logistique des pays amis, l’Angola, l’Afrique du Sud. Ils nous ont aidés à déployer nos kits, nos bulletins de vote. N’eut été notre détermination à organiser ces élections, et l’appui de nos amis de la SADC (conférence des Etats d’Afrique australe) nous n’y serions pas arrivés. Avec pour résultat que nous serions allés vers un autre gouvernement dit d’union nationale, de transition, ce qui aurait représenté une autre perte de temps… Moi, je n’étais pas d’accord avec cette formule, qu’on nous avait déjà proposée en 2006.
Pour moi, c’est clair, il fallait que les élections soient organisées comme prévu, à la date prévue. Dans les délais constitutionnels.
Si vous êtes élu, les cinq ans à venir vous suffiront ils pour réaliser votre programme ?
L’essentiel, c’est que nous allons jeter une base solide sur laquelle tous ceux qui viendront apres nous seront obligés de construire.
D’ici cinq ans, terme de votre deuxième mandat, ce sera fini pour vous ?
Il s’agît là d’une obligation constitutionnelle et rassurez vous, je pourrai toujours par la suite continuer à travailler pour le Congo.
Voici trois ans, ici même à Matadi, vous disiez que vous n’aviez pas trouvé les quinze hommes sur qui vous pouviez compter. Les avez vous trouvés aujourd’hui ?
J’en ai déjà trouvé douze comme les Apôtres, il me reste à en trouver trois…Si nous gagnons les élections, ce sera l’un des points les plus importants, trouver les hommes honnêtes et incorruptibles qu’il nous faut…
Si vous l’emportez, le président du deuxième mandat sera-t-il différent ?
Il est certain que ce ne sera plus le même homme. On a plus d’expérience, on connaît presque tout le monde, les amis, les adversaires et les ennemis. Je sais qui veut voir le développement de ce pays, qui cherche à nous tirer vers le bas…
Nous allons poursuivre la lutte contre la mégestion. Pour changer les choses, il fallait bien commencer quelque part. C’est pourquoi nous avons commencé par réformer la justice, faire en sorte que les juges les magistrats soient dans de très bonnes conditions pour que le système judiciaire soit vraiment incorruptible. Nous avons recruté 2000 nouveaux magistrats, organisé de séances de formation. Il y a eu des révocations des mesures disciplinaires mais il s’agit d’un travail de longue haleine, même si nous avons déjà parcouru 40% du chemin….
Si vous exercez votre dernier mandat aurez vous les mains plus libres ? Y compris pour frapper…
C’est ce qu’on a toujours fait…Il y a une contradiction. On parle d’un Etat de droit mais en même temps on me dit qu’il faut frapper, réprimer…Les deux ne sont pas toujours compatibles. On a laissé à la justice le soin et les moyens d’exercer le travail de répression au lieu de confier cela à la police et à l’armée. Il ne faut pas qu’il y ait de l’arbitraire…
Notre peuple est conscient du fait que nous venons de loin et tous veulent aller de l’avant…C’est que qui explique que s’il y a eu des incitations à manifester ici ou là, la population n’a pas suivi le mot d’ordre…Et cela, c’est parce qu’elle a l’espoir, elle a désormais quelque chose à perdre…
Source: Carnet de Colette Braekman, du 27-11-2011
Voilà dix ans que le président Kabila est au pouvoir. Quel est le point de votre bilan qui vous paraît le plus positif ?
Sans détour, c’est la paix et la sécurité. Voyez les onze candidats : s’ils ont pu sillonner le pays par route, par petit porteur, aller d’Est en Ouest, c’est parce qu’il y a la paix et la stabilité sur l’ensemble du territoire. C’est pour cela aussi que les 18000 candidats aux élections législatives ont pu mener campagne… L’autre point dont je suis fier c’est le début de la reconstruction. Je dis pas le développement, mais la reconstruction, nécéssaire au vrai décollage.
Pour le moment la reconstruction a démarré sur toute l’étendue du territoire national.. Les élections nous ont coûté 380 millions de dollars sur une période d’une année, ce qui est énorme. Certes, cela valait la peine, mais c’est cher…
Peut-être faudrait il redimensionner nos ambitions à ce propos, voir comment économiser. En termes de développement on fait beaucoup avec une telle somme…Mais d’un autre côté, l’exercice est indispensable car nous avons à tout prix besoin d’une stabilité politique. Elle est le gage d’une stabilité à long terme qui doit nous permettre d’attirer les investisseurs, de garantir la paix et finalement d’amorcer le décollage du pays.
Quel est, à vos yeux, le sens de ces élections ?
Il s’agît principalement de la consolidation des acquis, de 2006 jusqu’à ce jour. Nous venons de loin, de très loin…. La destruction du Congo date des années 60, la guerre a commencé au lendemain de l’indépendance. Pendant 40 ans, personne n’a pensé au développement et aujourd’hui il faut tout refaire. Un seul exemple : à Kindu, il y a un pont qui a été détruit lors de la rebellion de 1964 et jusqu’à ce jour il est resté en l’état.
La reconstruction est sans doute la base, mais la population assure que le social n’a pas progressé. N’est ce pas une urgence ?
Le social est certainement une urgence mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent qu’il n’ y a pas eu d’évolution entre 2006 et aujourd’hui. Je suis conscient du fait qu’il faut une amélioration mais vous ne pouvez donner ce que vous n’avez pas, il faut d’abord produire. Et pour cela, il faut avoir les infrastructures nécéssaires. C’est un travail difficile, de longue haleine…
La conjoncture n’a cependant pas été mauvaise pour le pays, le prix du cuivre a grimpé. On a le sentiment que la population n’a pas bénéficié de cette situation plus favorable…
J’ai récemment visité le Katanga et pensé que beaucoup de choses devaient être corrigées. En 2002, nous avons adopté un Code minier censé attirer les investisseurs . Mais une dizaine d’années plus tard, il faut refaire une évaluation voire une révision de ce code. Quand on voit les 400 ou 600 camions qui font chaque jour la route entre Kolwezi, Lubumbashi et la frontière zambienne, on se dit qu’il y a une disparité énorme entre les dividendes des sociétés qui sont venues investir et les retombées sur la population. Tout cela doit être corrigé le plus vite possible, en se mettant autour de la table avec les opérateurs, afin de faire en sorte que l’ exploitation des minerais du Congo soit aussi bénéfice au niveau social. La répartition doit être beaucoup plus équitable.
A l’occasion des conflits avec les sociétés minières le Congo est accusé de remettre en cause des accords signés…
Non, nous cherchons à équilibrer, c’est différent. La plupart des sociétés sont venues après l’adoption du Code minier mais le Congo aujourd’hui a besoin de sociétés solides et non de gens qui ne songent qu’à jouer en Bourse, à vendre et acheter…
Pour reviser le Code minier, allez vous vous inspirer de l’exemple de certains pays d’Amérique latine qui ont connu des expériences similaires ?
Nous sommes en contact avec la Bolivie, le Chili, la Zambie. Nous sommes parmi les plus grands producteurs de cuivre et nous avons l’objectif de nous concerter, afin d’harmoniser notre point de vue, nos options. Il ne faut pas que les sociétés jouent un pays contre l’autre…
Le Congo s’est ouvert à de nouveaux partenaires que ses interlocuteurs traditionnels. Est-ce bénéfique ?
Il faut avoir une lecture lucide de l’histoire de notre pays. Nous avons toujours connu dans ce pays des partenaires dits traditionnels mais depuis une quarantaine d’années, la population, dont je fais partie, commence à se poser des questions.
Ils nous parlent de la démocratie et c’est très bien mais la démocratie ce n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est le bien être de la population. Pour la démocratie, nous travaillons sans problème avec nos partenaires traditionnels, Mais pour le deuxième volet, le mieux être de la population, le développementdu pays, de ses infrastructures, nous pensons qu’il faut ouvrir nos portes à d’autres. C’est ce qui explique nos relations avec d’autres pays ; il n’y a pas que les Chinois, il y a aussi la Turquie, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, le Japon..
Il sembre d’ailleurs que ce soient vos nouveaux amis qui vous ont aidé à réussir les élections ?
A la dernière minute, nos amis traditionnels nous ont faussé compagnie. Dès le début, nous nous étions mis d’accord sur le fait que le gouvernement congolais allait financer 60% des élections. Il se fait qu’aujourd’hui c’est 80% des élections que nous avons du finalement couvrir, et nous avons aussi du compter sur l’appui logistique des pays amis, l’Angola, l’Afrique du Sud. Ils nous ont aidés à déployer nos kits, nos bulletins de vote. N’eut été notre détermination à organiser ces élections, et l’appui de nos amis de la SADC (conférence des Etats d’Afrique australe) nous n’y serions pas arrivés. Avec pour résultat que nous serions allés vers un autre gouvernement dit d’union nationale, de transition, ce qui aurait représenté une autre perte de temps… Moi, je n’étais pas d’accord avec cette formule, qu’on nous avait déjà proposée en 2006.
Pour moi, c’est clair, il fallait que les élections soient organisées comme prévu, à la date prévue. Dans les délais constitutionnels.
Si vous êtes élu, les cinq ans à venir vous suffiront ils pour réaliser votre programme ?
L’essentiel, c’est que nous allons jeter une base solide sur laquelle tous ceux qui viendront apres nous seront obligés de construire.
D’ici cinq ans, terme de votre deuxième mandat, ce sera fini pour vous ?
Il s’agît là d’une obligation constitutionnelle et rassurez vous, je pourrai toujours par la suite continuer à travailler pour le Congo.
Voici trois ans, ici même à Matadi, vous disiez que vous n’aviez pas trouvé les quinze hommes sur qui vous pouviez compter. Les avez vous trouvés aujourd’hui ?
J’en ai déjà trouvé douze comme les Apôtres, il me reste à en trouver trois…Si nous gagnons les élections, ce sera l’un des points les plus importants, trouver les hommes honnêtes et incorruptibles qu’il nous faut…
Si vous l’emportez, le président du deuxième mandat sera-t-il différent ?
Il est certain que ce ne sera plus le même homme. On a plus d’expérience, on connaît presque tout le monde, les amis, les adversaires et les ennemis. Je sais qui veut voir le développement de ce pays, qui cherche à nous tirer vers le bas…
Nous allons poursuivre la lutte contre la mégestion. Pour changer les choses, il fallait bien commencer quelque part. C’est pourquoi nous avons commencé par réformer la justice, faire en sorte que les juges les magistrats soient dans de très bonnes conditions pour que le système judiciaire soit vraiment incorruptible. Nous avons recruté 2000 nouveaux magistrats, organisé de séances de formation. Il y a eu des révocations des mesures disciplinaires mais il s’agit d’un travail de longue haleine, même si nous avons déjà parcouru 40% du chemin….
Si vous exercez votre dernier mandat aurez vous les mains plus libres ? Y compris pour frapper…
C’est ce qu’on a toujours fait…Il y a une contradiction. On parle d’un Etat de droit mais en même temps on me dit qu’il faut frapper, réprimer…Les deux ne sont pas toujours compatibles. On a laissé à la justice le soin et les moyens d’exercer le travail de répression au lieu de confier cela à la police et à l’armée. Il ne faut pas qu’il y ait de l’arbitraire…
Notre peuple est conscient du fait que nous venons de loin et tous veulent aller de l’avant…C’est que qui explique que s’il y a eu des incitations à manifester ici ou là, la population n’a pas suivi le mot d’ordre…Et cela, c’est parce qu’elle a l’espoir, elle a désormais quelque chose à perdre…
Source: Carnet de Colette Braekman, du 27-11-2011
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