“Le temps, disait Empedocle d’Agrigente, est l’image mobile de l’Eternité immobile” ; son homologue philosophe St Augustin, des siècles plus tard, avouera son incapacité à donner une acception de cette chose qui s’écoule et qui semble figée aussi. Laurent Gbagbo affirme, lui, que “le temps, c’est l’autre nom de Dieu”.
Un temps qui, jusqu’à présent, avait été son allié fidèle, voire son protecteur et dont il a usé de la cuirasse à tout moment.
Depuis 2005, date de l’expiration de son mandat issu d’une “élection calamiteuse”, Gbagbo avait toujours su ruser avec le temps pour demeurer le président de la République. Si la coupure du pays en deux était effectivement un argument valable qui empêchait tout scrutin, au fil du temps, le président sortant n’avait plus de raison évidente de ne pas remettre son fauteuil en jeu ; aucune raison ?
Sauf une : sa réélection. Rassuré sur ce point par 8 sondages et tous les réseaux parallèles, le voilà donc groggy le 3 décembre 2010 où toutes les aiguilles du scrutin indiquaient ADO comme celui ayant raflé la timbale.
Abasourdi, celui qui n’a jamais été aussi fort que lorsqu’il est acculé a vite trouvé un plan B : le pourrissement via son allié indéfectible, le temps. Il vient de gagner encore 4 mois en plus de son second mandat “illégal”. Mais voilà, “Dieu-le-temps” semble avoir abandonné Gbagbo, qui devient chaque jour plus violent : sinon comment expliquer l’hécatombe du marché d’Abobo, provoqué par un tir d’obus le 18 mars dernier ?
Est-ce une erreur de tir ? Peu probable quand on sait l’aversion qu’éprouve le camp Gbagbo pour ce quartier, acquis à ADO. Quelles qu’en soient les raisons, les dégâts sont là, et ces suppliciés d’Abobo viennent ajouter à la désolation de la situation humanitaire dans laquelle se débat la Côte d’Ivoire.
Comme partout où les hommes se tuent pour une parcelle de pouvoir, ce sont les innocentes populations qui paient le prix fort de cette guerrilla : ni Gbagbo, encadré par sa garde prétorienne, ni ADO, reclus à l’hôtel du Golf, ne sont touchés par ces bombardements.
Mais à l’observation, il y a une menace plus réelle qui semble troubler l’apparente sérénité de Gbagbo : la perte du soutien de l’Afrique du Sud, son traditionnel allié, et l’opiniatreté du camp ADO et de l’UA (malgré la relative timidité du départ).
On a beau s’appeler Gbagbo, avoir des nerfs à toute épreuve, on peut commencer à “craquer”, surtout quand l’étau international (bien qu’il donne l’impression de n’en rien faire) commence à vous étouffer, pire, quand vos rats tentent de quitter le navire.
Est-ce dans cette perspective de négocier une sortie qui ne peut plus être honorable qu’il faut inscrire son coup de fil à Blaise Compaoré ? On sait que, sauf erreur ou omission, depuis qu’il n’a pas tenu sa parole relative au couvre-feu, fin novembre 2010, le téléphone pleurait entre Cocody et Kosyam.
D’où vient qu’il daigne encore s’adresser à son homologue burkinabè, exécré depuis qu’il a perdu la présidentielle ? Est-ce le prélude à un retrait ? Gbagbo parle bien de négociation, une première, mais sa proposition est rejetée par le président élu, ADO. Est-ce une façon de souffler ? Rien n’est à écarter pour cet homme matois qui use de subterfuges pour retarder le chant du cygne.
La seule certitude est que tout homme dans son fort intérieur connaît ses limites, et le “Woody” est le seul dans son palais bunkerisé à savoir s’il peut encore tenir ou si le temps du grand saut dans l’après-présidence est venu, une vie qu’il redoute, même s’il n’est pas le seul dans ce cas.
Si “Dieu est Ivoirien”, comme le clament urbi et orbi ses partisans, alors il y a comme un fléchissement de ce dernier en défaveur de son fils Laurent, qui, en tant qu’historien et surtout croyant, doit savoir lire les signes du temps, qui ne trompent pas souvent. Surtout qu’il est entouré d’une kyrielle d’hommes de Dieu...
Author: Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Source: L'Observateur Paalga, du 21/03/2011
No comments:
Post a Comment