Par ordonnance présidentielle, «Joseph Kabila» a révoqué, jeudi 10 mars 2011, l’Udemo François-Joseph Nzanga Mobutu Ngbangawe de ses fonctions de vice-Premier ministre chargé de l’Emploi, travail et la prévoyance sociale. L’intéressé a, sans doute, appris cette nouvelle dans l’avion qui le ramenait le même jour à Kinshasa au bout de quatre mois d’une absence que d’aucuns qualifient de «bouderie». L’Udemo quitte ainsi la coalition formée avec l’AMP (Alliance pour la majorité présidentielle) et le Palu (Parti lumumbiste unifié). Une coalition issue d’un «partenariat politique» conclu au lendemain du second tour de l’élection présidentielle de 2006. Des observateurs sont unanimes : Nzanga Mobutu aurait dû rendre le tablier. Cela lui aurait évité le "déshonneur" d’une révocation.
Selon des sources à Bruxelles, une réunion s’est tenue jeudi 10 mars à la ferme présidentielle de Kingakati sur la route de Bandundu. Tous les bonzes de l’AMP étaient présents. La situation du vice-Premier ministre Nzanga Mobutu figurait parmi les points à l’ordre du jour. On le sait, "Nzanga" a quitté Kinshasa le 19 novembre dernier pour se rendre à Rome où il a assisté à l’élévation de Monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya au rang de Cardinal. Depuis lors, il a pris une sorte de «congé sabbatique». «Joseph Kabila» était-il au courant que ce «vice-Premier» se trouvait, jeudi 10 mars, dans un avion dans l’itinéraire Bruxelles-Kinshasa ?
La décision est tombée au début de la soirée : François-Joseph Nzanga Mobutu est révoqué de ses fonctions de vice-Premier ministre, ministre de l’Emploi, du travail et de la prévoyance sociale. «L’ordonnance présidentielle ne précise pas les raisons de cette révocation, mais on constate que M. Nzanga Mobutu, président du parti Udemo (...) membre, avec le Parti lumumbiste d’Antoine Gizenga, de la coalition AMP (...) au pouvoir, est depuis plusieurs mois absent de son poste à Kinshasa», indique une dépêche de l’Agence congolaise de presse (ACP).
«Gouvernement perpendiculaire»
C’est au mois de novembre 2006, que l’AMP concluait un accord de «partenariat politique» avec l’Udemo. En guise de «dot», les «démocrates mobutistes» ont apporté 9 députés nationaux et un sénateur. En février 2007, la première équipe gouvernementale dirigée par le Palu Antoine Gizenga est formée. L’Udemo obtient un ministère et un poste de vice-ministre. Nzanga Mobutu est titulaire du portefeuille de l’Agriculte avec rang de ministre d’Etat. Douze mois après, il devient vice-Premier ministre chargé des… «Besoins sociaux de base». C’est le début de la descente aux enfers dans la mesure où le parti Udemo va être dépossédé de son «vice-ministère». En février 2010, «Nzanga» passe à l’Emploi. Les frictions commencent entre des partenaires qui se concertent de moins en moins. Un euphémisme pour ne pas dire pas du tout. Dans un entretien avec Congo Indépendant, le «vice-Premier» qui aura 41 ans le 24 mars prochain ne cachait nullement qu’il n’avait plus le cœur à l’ouvrage. Tout en assumant ses choix politiques de 2006, il ne croyait plus en la viabilité de la coalition mise en place. Et pour cause ?
«Par moment, je me pose la question s’il y a un gouvernement. Nous sommes dans un système qui ne fonctionne pas. Le Premier ministre ne détient qu’une apparence du pouvoir. Il ne peut rien décider», déclarait-il en dénonçant en termes véhéments un «petit groupe de gens» non autrement identifié qui exercerait la réalité du pouvoir. Pour lui, il s’agit d’un gouvernement non pas parallèle mais plutôt «perpendiculaire». Au motif qu’il a des objectifs aux antipodes de ceux des membres du gouvernement formel. Au cours de cet échange, Nzanga Mobutu a, à maintes reprises, déploré «l’absence de concertations entre les partenaires politiques». Selon lui, cette lacune serait à l’origine de «toutes les dérives». C’est le cas notamment, dira-t-il, de l’éviction brutale, en mars 2009, du Bureau de l’Assemblée nationale présidée alors par Vital Kamerhe. La non-désignation d’un membre de l’Udemo au bureau de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) n’a pas amélioré l’ambiance. Bien au contraire. La fracture est devenue psychologique. Lors de cet entretien, «Nzanga» n’a pas exclu de présenter sa candidature à l’élection de présidentielle prévue en novembre 2011.
Les réactions
Dans la soirée de jeudi, les réactions fusaient de toutes parts après l’annonce de cette révocation. Point n’est besoin de rappeler que le partenariat politique entre «Kabila» et Nzanga Mobutu était considéré, à tort ou à raison, comme une «alliance contre-nature». «Nzanga aurait dû claquer la porte avant que ne tombe la décision de sa révocation. Pour n’avoir pas anticipé les événements, il se trouve en position de faiblesse.» Celui qui parle s’appelle Jean-Pierre Kimbulu Moyanso wa Lokwa, le tout dernier ambassadeur du Zaïre à Bruxelles. «Des membres de sa famille biologique autant que certains anciens collaborateurs de son père étaient profondément troublé par son choix politique. Il a fini par se rendre compte de la réalité», a ajouté l’ancien diplomate. Celui-ci a regretté «l’inélégance» de l’ukase présidentiel. «Le vice-Premier ministre Nzanga Mobutu était un partenaire politique à l’AMP et le Palu. Il aurait été élégant de le traiter avec un minimum de courtoisie en lui donnant l’occasion de s’expliquer avant de prendre la décision de révocation.»
Un homme politique qui a requis l’anonymat a eu ces mots : «Nzanga aurait dû présenter sa démission et donner les raisons profondes de cette décision devant l’opinion. Il a raté l’occasion de faire une sortie reluisante.» Avocat au barreau de Bruxelles, Jean-Claude Ndjakanyi estime que «Nzanga» a fait preuve d’un «comportement puéril» en abandonnant son poste et en se murant dans son silence. «Son départ du gouvernement prend désormais le relief d’une sanction dans la mesure où c’est lui qui doit désormais se justifier...», souligne-t-il. Ndjakanyi estime néanmoins que l’AMP s’est auto-affaiblit en se privant un allié dans la province de l’Equateur.
Un confrère de conclure : «Joseph Kabila a viré Nzanga Mobutu après s’être rendu compte que l’Udemo ne faisait plus le poids sur l’échiquier politique national. Kabila n’oserait nullement agir de la sorte à l’égard du Palu d’Antoine Gizenga à quelques mois de l’élection présidentielle…»
Madeleine Wassembinya/B.A.W
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source: Congo Libre, du 11/03/2011
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