Le Burundi l’a signé lundi, sixième sur neuf riverains, soit le quorum exigé. Fin du droit de veto égyptien.
Une signature pourrait entraîner des changements considérables en Afrique de l’Est. Le Burundi a en effet été lundi, annonce l’AFP, le 6e pays à signer le traité sur le partage des eaux du Nil, permettant au texte d’atteindre le quorum requis pour qu’il soit ratifié par les parlements des pays signataires et entre alors en vigueur.
Bujumbura rejoint ainsi Addis Abeba, Dar es Salam, Kigali, Kampala et Nairobi, qui avaient apposé leur signature en 2010 sous l’Accord-cadre de coopération sur le Nil (ACCN). Restent isolés le Congo-Kinshasa - qui ne s’oppose pas au texte mais ne l’a toujours pas signé - et surtout l’Egypte et le Soudan, parmi les neuf pays riverains du fleuve qui se sont regroupés dans l’Initiative pour le bassin du Nil (le 10e, l’Erythrée, n’en est pas membre).
Le Caire et Khartoum sont des adversaires du traité, qui met fin au statu quo qui leur octroyait une situation extrêmement privilégiée. Celle-ci résultait de deux accords. L’un, signé en 1929, alors que la Grande-Bretagne dominait encore de facto l’Egypte et possédait d’autres riverains du Nil, donnait un droit de veto au Caire sur les projets hydrauliques des colonies britanniques riveraines, afin que celles-ci ne puisent pas dans les eaux du fleuve. L’accord de 1959, signé entre l’Egypte et le Soudan indépendants, octroie unilatéralement à ces deux pays... 87% des eaux du fleuve, l’Egypte se taillant la part du lion (55,5 millions de m3 d’eau par an, contre 18,5 pour le Soudan). Ces accords "ont toujours été rejetés par l’Ethiopie et les autres Etats riverains", une fois ceux-ci indépendants, souligne Addis Abeba.
Car les autres Etats riverains du Nil ont évidemment du mal à "avaler" un droit de veto égyptien sur tout projet de barrage, station de pompage ou grands travaux d’irrigation alors que leurs populations croissent et qu’ils désirent se développer. Le Caire avait été, en mars 2010, jusqu’à adopter un ton menaçant vis-à-vis des partisans du partage des eaux, affirmant que le Nil était pour l’Egypte "une question de sécurité nationale".
Ces derniers mois, cependant, alors que l’inéluctable entrée en vigueur de l’Accord-cadre se profilait, Le Caire a ordonné la limitation des surfaces de rizières - grandes consommatrices d’eau - dans ses campagnes et annonçait, jusqu’à la révolution récente, son ambition de produire un huitième de son électricité par éolienne. Sans compter que, n’ayant rien fait depuis les accords de 1929 et 1959 pour limiter leur dépendance au Nil, alors que la population croissait (elle atteint aujourd’hui 80 millions d’habitants), les autorités égyptiennes savaient que même en conservant le statu quo léonin à leur profit, le fleuve serait incapable de suffire aux besoins des Egyptiens à partir de 2017.
Il est donc urgent de moderniser. C’est ce que permettra le traité, assure l’Ethiopie (85 millions d’habitants), des hauts plateaux de laquelle proviennent... 80 % des eaux du fleuve, et qui voudrait construire quatre barrages, développer l’irrigation et protéger l’environnement des eaux du Nil.
Une fois l’Accord-cadre ratifié par les parlements, la Commission du bassin du Nil, émanation du regroupement des pays riverains, gèrera le fleuve, "notamment l’utilisation équitable et raisonnable des eaux et les efforts de collaboration entre pays riverains, dont les mesures de protection de l’environnement", a expliqué à "La Libre Belgique" le négociateur éthiopien au sein de l’Initiative pour le bassin du Nil, l’ambassadeur Minelik Alemu Getahun. Et d’ajouter : "L’Accord-cadre est un instrument d’inclusion et de collaboration. Il repose seulement sur des normes acceptées d’utilisation partagée et de protection de ressources communes, équitablement, pour le bénéfice des générations présentes et futures. L’équité est le centre et l’élément qui caractérise ce traité."
Author: Marie-France Cros
Source: La Libre, Mis en ligne le 02/03/2011
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