Une attaque armée contre une résidence de M. Kabila relance l'inquiétude.
Moins d'un mois après l'attaque armée de l'aéroport de Lubumbashi, chef-lieu de la province minière du Katanga, le 4 février, un nouvel assaut armé a eu lieu dimanche à 13h40 à Kinshasa.
Selon les informations recueillies par " La Libre Belgique " à Kinshasa, 20 à 30 hommes en uniforme de l'armée ont essayé de passer un barrage de la Garde républicaine (garde présidentielle) proche d'une villa de la Gombe - quartier central chic de Kinshasa - occupée par le président Kabila, qui n'était pas présent.
Non autorisés à passer, ils ont forcé le barrage mais, au barrage suivant, ont été la cible de tirs durant une vingtaine de minutes. Les assaillants ont utilisé des armes légères, de type AK-47. Il y aurait 6 à 7 morts.
Juste après cette attaque, des hommes en armes - dont il n'est pas clair s'ils portaient ou non un uniforme - ont essayé de s'introduire dans le camp militaire de Kokolo, à environ cinq kilomètres du lieu du premier incident armé et plus précisément dans sa base logistique centrale - la plus importante du pays - où sont déposés les armements. Les assaillants ont été repoussés par la police militaire du camp.
Selon nos sources, il est vraisemblable que les assaillants du camp Kokolo étaient ceux de la Gombe, tentant de revenir à leur base après leur échec. Le grave incident armé serait une nouvelle manifestation de mécontentement de militaires en raison de leurs conditions de vie.
En l'absence d'éclaircissements officiels des événements de Lubumbashi le 4 février, c'est également l'explication qui circule avec le plus de crédibilité au Katanga.
Le processus de paix au Congo a prévu l'intégration dans l'armée d'un grand nombre d'ex-combattants armés, mais l'intendance ne suit pas. Si le président Kabila se montre attentif aux conditions de vie de sa Garde républicaine - véritable armée dans l'armée, puisqu'elle n'est pas placée dans la chaîne de commandement normale - il n'en va pas de même pour la majeure partie des Forces armées, qui survivent dans des conditions misérables.
Grâce à l'appui de l'Union européenne, un processus destiné à identifier chaque militaire a été mis en place, qui a notamment permis de s'apercevoir que l'armée d'aujourd'hui compte environ 150.000 hommes - et non 350.000 comme prétendu durant la transition, l'armée des soldats " fantômes " (dont le salaire n'était pas perdu pour tout le monde) ayant été ôtée de la liste de paiement.
Ce processus a aussi permis que les militaires touchent leur salaire, qui est ainsi passé de 10 Usd/mois (8 euros) non payés à 50 dollars payés (100 pour l'officier) - mais encore insuffisants à nourrir une famille.
Impuissants à faire entendre leurs doléances, des militaires désespérés tenteraient, hier à Lubumbashi comme aujourd'hui à Kinshasa, de secouer le pouvoir. Aujourd'hui comme hier, le principal problème du Congo demeure donc son armée, responsable de nombreuses exactions.
Le Congo n'a pas les moyens d'entretenir décemment une armée de 150.000 hommes, mais les autorités congolaises - et singulièrement le chef des armées, le président Kabila - estiment que réduire ce chiffre serait inacceptable pour un grand pays comme le Congo.
Joue également la peur d'une armée trop puissante, susceptible alors d'organiser un coup d'Etat militaire. Aujourd'hui, l'armée congolaise est donc dans la même situation que sous Mobutu : sous-équipée, sous-payée, sous-alimentée, à l'exception de la garde présidentielle. On sait que cela a été fatal au Zaïre.
Depuis dimanche soir, les rumeurs se multiplient à Kinshasa et dans la diaspora, où certains dénoncent même dans les événements de Kinshasa "un montage" destiné à autoriser une répression des adversaires du régime, neuf mois avant les élections présidentielles.
De fait, les autorités congolaises ont annoncé plus de trente arrestations à la suite des événements de dimanche et on assiste à une inflation de chiffres, les assaillants étant lundi supposés avoir été une soixantaine (porte-parole du gouvernement congolais) voire même une centaine (sources onusiennes citant des responsables congolais de la sécurité). Si ces arrestations devaient confirmer une épuration, il faudrait probablement y voir de l'opportunisme répressif après une attaque réelle plutôt qu'une mise en scène - déjà dénoncée par le gouverneur du Katanga à propos des événements de Lubumbashi, mais sans convaincre.
Author: Marie-France Cros (La Libre Belgique)
Source: Le Potentiel, du 02/03/2011
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