BAMAKO - Les rebelles touareg maliens ont pris dimanche le contrôle de Tombouctou, dont la chute consacre leur mainmise sur la quasi-totalité du nord du Mali, suscitant une inquiétude croissante dans la région.
Impuissante à endiguer cette progression fulgurante, et sous pression des pays voisins, la junte militaire en place depuis moins de deux semaines à Bamako a promis le retour au pouvoir civil et un gouvernement de transition, sans pour autant fixer de calendrier.
Confronté au double "défi malien" d'un putsch militaire et d'une insurrection touareg au nord du Mali, un pays membre de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), le président en exercice de l'organisation, l'ivoirien Alassane Ouattara, a annoncé dimanche soir un nouveau sommet régional lundi à Dakar.
Dans l'après-midi, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), principale composante, a revendiqué la prise de la ville et de sa région.
Un jeune civil a été tué par un éclat d'obus près de la grande mosquée, selon un habitant.
La junte a dépêché au moins un émissaire à Tombouctou pour négocier un cessez-le-feu avec les rebelles, a annoncé dimanche à l'AFP son chef, le capitaine Amadou Haya Sanogo.
Mohamed Ag Erlaf, un ancien ministre, a rencontré Mohamed Najim, l'un des responsables militaires du MNLA qui, selon lui, "a promis d'assurer la sécurité des populations".
Avec Tombouctou, Kidal et Gao, les trois capitales administratives du Nord du pays, les rebelles contrôlent environ la moitié du territoire au terme d'une avancée foudroyante de trois jours.
C'est justement pour éviter ce scénario que la junte avait renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, l'accusant d'avoir été incapable d'endiguer l'offensive touareg depuis janvier.
Malgré le putsch, l'avancée des Touareg, dont beaucoup sont rentrés lourdement armés de Libye où ils avaient soutenu le régime Kadhafi, s'est amplifiée sans rencontrer de vraie résistance ces derniers jours, bénéficiant même des défections, comme celle du colonel Elhadj Ag Gamou, le chef de la garnison de Kidal, lui-même Touareg.
Les rebelles s'étaient emparés dans la nuit de dimanche à lundi de Gao, ville de 90.000 habitants abritant l'état-major militaire pour toute la région Nord.
--Promesses de transition et d'élections--
La junte a promis dimanche le retour à un pouvoir civil et une transition vers des élections à une date non précisée.
"Nous prenons l'engagement solennel de rétablir à compter de ce jour la Constitution (...) ainsi que les institutions républicaines", a déclaré le capitaine Sanogo en annonçant "des consultations avec toutes les forces vives du pays dans le cadre d'une convention nationale" pour permettre "la mise en place d'organes de transition en vue de l'organisation d'élections apaisées, libres, ouvertes et démocratiques".
Il a confirmé que la junte n'y participerait pas, mais sans préciser la durée ni les termes de cette transition. Il n'a pas évoqué le sort du président Touré.
Le chef de la junte s'exprimait aux côtés du médiateur ouest-africain, chef de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé.
La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) avait avoir brandi la menace d'un "embargo diplomatique et financier" d'ici lundi et mis une force d'intervention de 2.000 hommes en "alerte".
La rébellion compte plusieurs composantes, dont il est difficile de mesurer l'exacte influence sur le terrain, et qui dépend des zones d'opération: les deux principale sont le MNLA et le groupe islamiste Ansar Dine du chef touareg Iyad Ag Ghaly, principal artisan de la prise de Kidal.
Selon certaines sources, des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) combattent avec les rebelles, ce que le MNLA, d'obédience laïque, dément.
Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), une dissidence d'Aqmi dirigée par des Maliens et des Mauritaniens, a également revendiqué sa participation à l'offensive.
Les hommes du Mujao contrôlent aujourd'hui l'un des deux camps militaires de Gao, tandis que le MNLA est installé dans l'autre caserne en périphérie de la ville.
Toujours à Gao, les portes de la prison civile ont été ouvertes par des inconnus et de nombreux bâtiments, dont des administrations et des hôtels réputés servir de l'alcool, ont été saccagés.
Source: L'Express, du 02/04/2012
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