Reçu à Paris, Paul Kagame veut regarder l'« avenir », mais les malentendus ne sont pas dissipés. Et le président rwandais a été chahuté sur les droits de l'homme.
Paul Kagame n'exige pas d'« excuses ». On se doutait qu'il n'oserait pas ternir la première visite officielle d'un président rwandais depuis le génocide de 1994. Mais il n'a pas non plus dit qu'il remisait au placard le rapport officiel rwandais de 2008 qui accuse toujours la France d'avoir prêté la main au génocide de 1994. « Des excuses ou pas d'excuses, je préfère laisser ces questions aux gens concernés. Je ne peux forcer personne. Je ne peux supplier personne », a expliqué hier celui qui préside le Rwanda depuis la chute du régime Habyarimana. Et de renvoyer chacun « à sa propre conscience ».
Ce « ni-ni » ne peut contenter ni l'armée française - dont une partie a fait savoir sa colère devant la réception de Kagame à Paris - ni Alain Juppé, déjà ministre des Affaires étrangères à l'époque de l'opération Turquoise, et qui a opportunément casé ces jours-ci un long déplacement dans le Pacifique. Mais la France va s'en contenter : dans un commentaire laconique, Nicolas Sarkozy a fait savoir que la venue de Kagame, après le voyage, à Kigali, où le président français avait admis « une forme d'aveuglement » de la France devant « la dimension génocidaire » de l'ancien régime, était « une nouvelle étape dans la normalisation entre les deux pays ».
Le président Sarkozy y ajoute une mention sur l'« attachement de la France à la coopération judiciaire entre les deux pays et à l'État de droit ». Sur ce second point, les défenseurs des droits de l'homme ont été beaucoup plus clairs. Ils ont interpellé hier Paul Kagame sur les aspects sombres d'un régime accusé d'emprisonner ses opposants politiques - comme Victoire Ingabire, empêchée de ses présenter à la dernière présidentielle - et d'intimider la presse par tous les moyens.
« Je ne vois pas de quoi vous voulez parler », a rétorqué le maître de Kigali, également pris à partie - au cri d'« Assassin ! » - par environ 200 manifestants rwandais dans Paris. Mais l'heure est à la détente, à la coopération économique - rencontre, aujourd'hui, au Medef -, au partenariat pour construire des barrages hydroélectriques, exploiter le gaz méthane, développer les réseaux électriques… La langue française ? Elle n'a pas été bannie du Rwanda, mais « 90 % du commerce rwandais se faisant avec le monde anglophone », « elle ne permet pas d'aller aussi loin ». Réaliste peut-être, mais pas très diplomatique…
Author: Christophe Lucet
Source: Sud Ouest, 13/09/2011
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