Sunday, June 17, 2012

RDC/Affaires étrangères : Raymond Tshibanda peut-il «sauver» la diplomatie congolaise?


          


Raymond Tshibanda Ntungamulongo, ministre congolais des Affaires étrangères
Nommé le 28 avril dernier à la tête du ministère des Affaires étrangères, de la coopération internationale et la francophonie dans le gouvernement «Matata Ier», Raymond Tshibanda Ntungamulongo, 62 ans, précédemment ministre de la Coopération régionale, a été présenté officiellement au personnel de ce département régalien. C’était le mardi 12 juin. Cette cérémonie est généralement l’occasion pour les fonctionnaires de «faire connaissance» avec le nouveau «boss» mais surtout de connaître sa "vision". Evasif, Tshibanda a promis une «thérapie de choc» pour «guérir» la diplomatie congolaise. Face à des fonctionnaires blasés par des promesses non-tenues des précédents ministres, le «docteur Tshibanda» est resté muet sur les grands maux dont souffre ce secteur national autant que sur les moyens disponibles. Il n’a pas non plus fixé l’assistance sur les principes appelés à guider à l’avenir la politique étrangère du pays ainsi que les intérêts nationaux à défendre.
«Thérapie de choc»

Neuvième titulaire du département des Affaires étrangères depuis la prétendue libération du 17 mai 1997 (Bizima Karaha, Yerodia Abdoulaye Ndombasi, Jean-Charles Okoto Lolakombe, Léonard She Okitundu, Antoine Ghonda Mangalibi, Raymond Ramazani Baya, Antipas Mbusa Nyamwisi, Alexis Thambwe Mwamba), Raymond Tshibanda N’Tungamulongo, a donc été présenté aux fonctionnaires. Il en est de même des vice-ministres Célestin Tunda ya Kasende (Affaires étrangères) et Dismas Magbengu (Coopération internationale et régionale).

Répondant au mot prononcé par la secrétaire générale de ce ministère, Appoline Musengeshi, le nouveau chef de la diplomatie congolaise a dit sa volonté d’appliquer une «thérapie de choc» pour «guérir» la diplomatie congolaise. De quoi souffre donc la diplomatie congolaise? Sans doute par respect du «secret médical», le «docteur Tshibanda» s’est gardé de divulguer les "pathologies" qu’il a pu personnellement diagnostiquer. Il s’est contenté d’énumérer les «Cinq axes des valeurs cardinales» qui vont, selon lui, «guider l’action de la diplomatie congolaise» : la loyauté, le travail, l’exemplarité, la disponibilité et la discipline.

Pour Tshibanda, le secteur dont il a la charge doit constituer «un front déterminant pour relever les défis majeurs auxquels le pays fait face». Dans un aveu implicite d’impuissance, le ministre a souligné qu’il importe de doter la diplomatie des «moyens suffisants». Il a exhorté l’assistance à «compter sur l’équipe dirigeante du ministère de manière à ce que les moyens soient mobilisés et qu’ils soient utilisés avec responsabilité». Débordant d’enthousiasme, le ministre a relevé que «travailler au ministère des Affaires étrangères n’est pas une malédiction mais plutôt un privilège». Et de souligner au passage que «la diplomatie est un travail noble». Pour lui, «sous le leadership» du Premier ministre, Matata Ponyo et du président de la République, «Joseph Kabila», les «problèmes» de ce ministère «seront résolus». En guise d’objectifs à court terme, Raymond Tshibanda a préconisé un «dégraissement» des missions diplomatiques du Congo ainsi que la remise en vigueur de la «rotation» du personnel en poste «pour raison d’efficacité». Il a relevé la nécessité de moderniser l’outil de communication entre l’Administration centrale des Affaires étrangères et les 66 missions diplomatiques et consulaires que le pays «entretient» à l’étranger.

La diplomatie, à ne pas confondre avec la politique étrangère, est généralement définie comme étant «l’art de résoudre les différends par la négociation». C’est un rôle confié aux missions diplomatiques. C’est le travail quotidien effectué par les diplomates. Ce travail est mené conformément à la politique étrangère laquelle fixe les intérêts généraux à promouvoir ou objectifs à atteindre. A court, moyen et long terme. Depuis le début des années 90, la diplomatie zaïro-congolaise est en crise à l’image de la vie politique nationale. Elle va mal. Les maux sont nombreux : postes diplomatiques et personnel pléthorique ; salaires impayés ; incapacité de l’Etat - absence de volonté politique? - à transférer les fonds de fonctionnement et à financer le rapatriement du personnel fin terme ; injustice sociale par la montée en force du régionalisme ; arbitraire etc.

Plus concrètement, depuis le 17 mai 1997, date du changement de régime à Kinshasa, plus de 500 diplomates et leurs familles sont abandonnés à leur triste sort aux quatre coins du monde. Ils attendent un hypothétique rapatriement. Qu’en est-il des fonctionnaires en postes? Ils ne font plus de la diplomatie sauf de la contemplation. Faute d’argent, les diplomates congolais ne sont même plus capables d’«observer» (grâce à la lecture des journaux ou ouvrages, des rencontres avec des collègues d’autres pays etc.) pour «informer» le pays d’envoi sur les faits pouvant avoir un impact sur la vie nationale. La grande majorité des fonctionnaires actuellement en poste n’ont plus qu’une seule préoccupation : survivre. Ils sont impécunieux, incapables de payer le loyer d’habitation, l’eau et l’électricité. Inutile de parler des soins de santé et de la scolarité des enfants.

«Mission impossible»

Raymond Tshibanda Ntungamulongo peut-il «sauver» la diplomatie congolaise ? On peut en douter, faute d’une réelle volonté politique au sommet de l’Etat. Aucun de ses prédécesseur n’a manifesté le souci de mettre en route une profonde réflexion pour identifier les problèmes et réformer tant l’Administration centrale des Affaires étrangères que les missions diplomatiques. Aucun n’a eu à cœur d’administrer ceux-ci par la mise en place d’un organigramme réaliste et par la réduction des postes. Les ministres successifs se sont limités à voyager à l’étranger, à affecter des amis et parents dans les missions diplomatiques et à «gérer» les recettes généréés par la «vente» des passeports. Au plan anecdotique, Bizima Karaha a fait incinérer les archives du ministère. Abdoulaye Yerodia Ndombasi a cru changer l’eau en vin en lançant le slogan «diplomatie du développement» lors d’une conférence diplomatique organisée à Kinshasa.

Dans son allocution d’investiture le 6 décembre 2006, «Joseph Kabila» annonçait sa volonté de faire de la diplomatie congolaise «une diplomatie de paix et de développement». Suivant le mot d’ordre du premier "diplomate" du pays, Antipas Mbusa Nyamwisi, nouveau chef de la diplomatie, organisait en février 2008, «la première conférence diplomatique de la Troisième République». Thème : «Paix et développement». Nul ne sait à ce jour la suite donnée aux recommandations formulées par les participants emmenés à grand frais à Kinshasa. On apprendra que «la primeur» a été «réservée à la haute hiérarchie du pays». Qu’en a-t-il fait? Mystère. Dans son allocution d’investiture, le 20 décembre dernier, «Joseph Kabila» dont le projet politique est intitulé «la Révolution de la modernité» a annoncé que «notre diplomatie sera réorganisée et modernisée, de manière à en faire la vitrine d’un Congo qui rassure et qui gagne, source de fierté légitime pour notre peuple et pour l’Afrique». «Chef de l’Etat, ajoutait-il, je ne trahirai donc jamais mon serment. Je veillerai, comme à la prunelle de mes yeux, à l’intégrité du territoire national, à la souveraineté de notre pays, à la sécurité de tous, à la protection des personnes vulnérables, au respect de la loi, autant qu’aux droits humains».

Face à un chef d’Etat dont les paroles n’ont jamais été suivies d’actions adéquates, l’ampleur de la tâche qui attend Tshibanda ressemble aux douze travaux d’Hercule. Une mission impossible.
Author: Baudouin Amba Wetshi         
Source:  Congoindépendant 2003-2012, du 15 Juin 2012 

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