Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations Unies. Photo d’archives
Datée du 14 juin 2012, la lettre adressée par le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, au président du Conseil de sécurité n’a été transmise à son destinataire qu’en date du 19 juin. Le même jour, le ministre rwandais des Affaires étrangères foulait le sol congolais. Dès le jeudi 21 juin, la correspondance du chef de la diplomatie congolaise était largement diffusée sur le «Net». A qui profite le «crime»? La "fermeté" adoptée dans cette correspondance désigne clairement le «bénéficiaire». Patatras ! Le «communiqué conjoint» signé à Kinshasa par Tshibanda et son homologue rwandais ne fait nullement mention des préoccupations du Congo au regard de la guerre qui se déroule à l’Est. Aucune allusion au M23. Ce communiqué révèle la duplicité qui caractérise les dirigeants congolais chaque qu’ils sont confrontés au Rwanda ou à l’Angola. Pendant que l’Est «brûle», «Joseph Kabila» affiche un silence vrombissant. Pas de message à la nation ni point de presse pour informer amplement la population et assurer celle-ci des dispositions prises par les pouvoirs publics pour rétablir la paix civile. Le gouvernement "se débrouille" à trouver les mots appropriés pour rouler l’opinion congolaise dans la farine tout en ménageant le chef d’Etat rwandais Paul Kagame. Les Congolais ne sont plus dupes!
Analyse
La guerre qui se déroule dans la province du Nord Kivu depuis bientôt deux mois pourrait engendrer des conséquences incalculables voire imprévisibles au plan politique et diplomatique. Sur le plan politique, on assiste à une montée en puissance d’une crise de confiance entre «Joseph Kabila» et l’opinion congolaise. Une crise qui semble se rapprocher du point de «rupture». Il ne manque plus que le petit «déclic» qui sert de détonateur à l’Histoire avec un grand «H». Il suffit de parcourir les principaux journaux congolais et les réseaux sociaux pour prendre la mesure de la défiance qui monte à l’encontre de l’homme qui trône au sommet de l’Etat. Un homme accusé d’être au service des intérêts étrangers en général et rwandais en particuilier. Sur le plan diplomatique, l’implication active du Rwanda de Paul Kagame dans les affrontements qui opposent les Forces armées de la RD Congo aux insurgés du «M 23» ne fait plus l’ombre d’un doute.
Citant des «notes prises lors d’une réunion à huis clos du comité des sanctions de l’Onu», l’agence britannique Reuters rapportait vendredi 22 juin que les «experts» des Nations unies disposent de «preuves» qui attestent que le ministre de la Défense du Rwanda, James Kabarebe, et deux officiers rwandais de haut rang «soutiennent» les rebelles du mouvement M23. Ces notes indiquent par ailleurs que «des militaires rwandais avaient pénétré en territoire congolais pour renforcer les positions rebelles, qu’ils leur avaient fourni un appui logistique et qu’ils avaient permis au chef rebelle Bosco Ntaganda et à ses forces de se rendre en sécurité en territoire rwandais». Outre Kabarebe, les experts onusiens citent le chef d’état-major de la RDF (Forces de défense rwandaises) Charles Kayonga et le général Jacques Nziza, conseiller militaire de Paul Kagame. Selon lesdites notes, «James Kaberebe est en contact permanent avec le M23». Un journaliste de Reuters a tenté sans succès de joindre le ministre Kabarebe. Interrogé à ce sujet, le porte-parole du M23, le «colonel» Vianney Kazarama, a démenti «tout soutien du Rwanda»
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«Un pitoyable cirque»
A en croire Louise Mushikiwabo, les dirigeants congolais et rwandais avaient «connaissance de ces allégations depuis plusieurs semaines». (Voir J.A. n°2682). Après avoir louvoyé pendant que tous les doigts accusateurs étaient pointés sur le Rwanda, le gouvernement congolais, par la bouche de son porte-parole Lambert Mende Omalanga, a fini par reconnaître l’évidence. Cette sortie médiatique n’était qu’un pitoyable cirque. Au cours d’une conférence de presse tenue le samedi 9 juin, Mende déclarait de manière subtile que «le territoire du Rwanda a servi à la préparation et à la perpétration d’une conspiration (…)» contre l’Etat congolais. Il a poursuivi en dénonçant la «passivité» des autorités rwandaises «face à des atteintes graves à la paix et à la sécurité de la RDC ourdies à partir de leur territoire». On le voit, les dirigeants congolais - «Joseph Kabila» en tête» - minimise la responsabilité de Kigali en évitant soigneusement de stigmatiser les dirigeants rwandais. Selon l’entendement de Kinshasa, les "fauteurs de troubles" appartiendraient à des «réseaux rwandais» non autrement identifiés. Des réseaux qui utiliseraient le territoire de ce pays comme base de lancement des actions subversives contre les provinces congolaises du Kivu. Qui goberait des telles balivernes qui cachent mal toute la complexité des relations existant entre la grande majorité des dirigeants congolais actuels et le potentat de Kigali ? Qui oubliera que le Congo-Kinshasa est dirigé par des hommes et des femmes qui doivent leur ascension politique à Kagame? Comment pourrait-on ménager ce dernier sans s’aliéner une opinion congolaise qui suspecte de plus en plus les plus hauts responsables congolais d‘inertie voire de «trahison»?
Pour concilier ces deux intérêts antinomiques, le ministre congolais des Affaires étrangères Raymond Tshibanda N’tungamulongo, a eu l’idée d’écrire au président du Conseil de sécurité des Nations unies, le Chinois Li Baodong. La correspondance, datée du 14 juin 2012, n’a été transmise à son destinataire, via la Mission permanente du Congo à l’Onu à New York, que le 19 juin. Le ton usité est d’une fermeté inhabituelle à l’égard du Rwanda. Après avoir relaté l’historique de la mutinerie au Nortd Kivu, le ministère Tshibanda de tonner : «Aujourd’hui, les conclusions des enquêtes et mécanismes conjoints permettent d’affirmer ce qui suit : parmi les mutins se sont trouvés quelques 200 à 300 éléments recrutés sur le territoire du Rwanda par un réseau actif dans ce pays voisin ; plusieurs combattants ainsi recrutés sont des ressortissants rwandais, infiltrés en République Démocratique du Congo. (…), alors que dans leur fuite, les mutins avaient abandonné tout leur armement, soit 38 tonnes récupérées par les FARDC, il a été noté un décuplement de leur puissance de feu dès leur arrivée dans le triangle Runyonyi-Tshianzu-Mbuzi accoté à la ligne frontalière entre la RD Congo et le Rwanda». Et de poursuivre qu’«il ressort que le territoire rwandais a servi à la préparation et à la perpétration d’une conspiration qui, après avoir commencé comme une simple mutinerie, évolue dangereusement vers un schéma de rupture de la paix entre deux pays de la Région des Grands Lacs, remet tant en cause les progrès accomplis en ce domaine depuis 2009». Tshibanda de conclure : «Aussi, le gouvernement de la RD Congo demande-t-il instamment au Conseil de sécurité de condamner la nouvelle tentative de rébellion» ainsi que «le soutien extérieur dont le M23 bénéficie et tenir "ceux" qui le lui apportent solidairement responsables de tous les actes répréhensibles commis par ce mouvement». Le ministre Tshibanda de demander au Conseil de «rappeler le Rwanda à ses obligations internationales et exiger le retrait immédiat et sans conditions des membres de ses forces armées qui se dissimuleraient dans les rangs de la rébellion». De même, de «prendre toutes les mesures idoines pour mettre un terme à l’activité de toutes les forces négatives, y compris les FDLR, le CNDP et le M23».
Une fuite organisée
C’est dans cette ambiance que, lundi 18 juin, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, atterrit à Kinshasa. Elle est accompagnée du chef d’état-major général des RDF et du chef des services des renseignements. Pour la petite histoire, Raymond Tshibanda n’est pas présent à l’aéroport international de Ndjili. Pas de trace non plus de son adjoint Tunda ya Kasende. Le chef de la diplomatie rwandaise est accueillie par Apolline Mushengeshi, la secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères. Cet «accueil glacial» n’avait apparemment pour but que de jouer «les durs». Une posture qui s’est fanée comme une rose. Dans le «communiqué conjoint» publié le 19 juin par les deux ministres, le Rwanda tire son épingle du jeu. Ses préoccupations sont en vedette. «Les deux délégations ont échangé des renseignements sur les problèmes sécuritaires de la région et examiné les préoccupations présentées par chaque partie en rapport avec la situation qui prévaut dans l’Est de la RDC», peut-on lire. «Elles ont ainsi renouvelé leur détermination à poursuivre les efforts jusqu’à l’éradication totale du groupe terroriste FDLR et de tous les autres groupes armés écumant la sous-région», souligne le communiqué qui précise qu’une «réunion de concertation et d’évaluation» est prévue le 28 juin prochain à Goma. On cherche en vain la moindre mention sur les rebelles du M23. Raymond Tshibanda s’est-il contenté de parapher un communiqué conçu par la partie rwandaise? Avait-il au moins pris la peine de le parcourir?
Pour sauver la face du très taiseux et débonnaire «raïs» devant l’opinion congolaise, les zélateurs du «kabilisme» qui peuplent le «Net» ont, dès jeudi 21 juin, assurer une "large diffusion" de la lettre du gouvernement congolais adressée au président du Conseil de sécurité des Nations unies. Une «fuite» organisée. Dans quel but? Il s’agit sans doute de "démontrer" la "fermeté" du "raïs" face au Rwanda. Et partant, «réhabiliter» l’honneur perdu d’un «Joseph Kabila» réputé pour sa tendance à courber l’échine face à son mentor Paul Kagame. La tentative a fait flop!
La guerre qui se déroule dans la province du Nord Kivu depuis bientôt deux mois pourrait engendrer des conséquences incalculables voire imprévisibles au plan politique et diplomatique. Sur le plan politique, on assiste à une montée en puissance d’une crise de confiance entre «Joseph Kabila» et l’opinion congolaise. Une crise qui semble se rapprocher du point de «rupture». Il ne manque plus que le petit «déclic» qui sert de détonateur à l’Histoire avec un grand «H». Il suffit de parcourir les principaux journaux congolais et les réseaux sociaux pour prendre la mesure de la défiance qui monte à l’encontre de l’homme qui trône au sommet de l’Etat. Un homme accusé d’être au service des intérêts étrangers en général et rwandais en particuilier. Sur le plan diplomatique, l’implication active du Rwanda de Paul Kagame dans les affrontements qui opposent les Forces armées de la RD Congo aux insurgés du «M 23» ne fait plus l’ombre d’un doute.
Citant des «notes prises lors d’une réunion à huis clos du comité des sanctions de l’Onu», l’agence britannique Reuters rapportait vendredi 22 juin que les «experts» des Nations unies disposent de «preuves» qui attestent que le ministre de la Défense du Rwanda, James Kabarebe, et deux officiers rwandais de haut rang «soutiennent» les rebelles du mouvement M23. Ces notes indiquent par ailleurs que «des militaires rwandais avaient pénétré en territoire congolais pour renforcer les positions rebelles, qu’ils leur avaient fourni un appui logistique et qu’ils avaient permis au chef rebelle Bosco Ntaganda et à ses forces de se rendre en sécurité en territoire rwandais». Outre Kabarebe, les experts onusiens citent le chef d’état-major de la RDF (Forces de défense rwandaises) Charles Kayonga et le général Jacques Nziza, conseiller militaire de Paul Kagame. Selon lesdites notes, «James Kaberebe est en contact permanent avec le M23». Un journaliste de Reuters a tenté sans succès de joindre le ministre Kabarebe. Interrogé à ce sujet, le porte-parole du M23, le «colonel» Vianney Kazarama, a démenti «tout soutien du Rwanda»
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«Un pitoyable cirque»
A en croire Louise Mushikiwabo, les dirigeants congolais et rwandais avaient «connaissance de ces allégations depuis plusieurs semaines». (Voir J.A. n°2682). Après avoir louvoyé pendant que tous les doigts accusateurs étaient pointés sur le Rwanda, le gouvernement congolais, par la bouche de son porte-parole Lambert Mende Omalanga, a fini par reconnaître l’évidence. Cette sortie médiatique n’était qu’un pitoyable cirque. Au cours d’une conférence de presse tenue le samedi 9 juin, Mende déclarait de manière subtile que «le territoire du Rwanda a servi à la préparation et à la perpétration d’une conspiration (…)» contre l’Etat congolais. Il a poursuivi en dénonçant la «passivité» des autorités rwandaises «face à des atteintes graves à la paix et à la sécurité de la RDC ourdies à partir de leur territoire». On le voit, les dirigeants congolais - «Joseph Kabila» en tête» - minimise la responsabilité de Kigali en évitant soigneusement de stigmatiser les dirigeants rwandais. Selon l’entendement de Kinshasa, les "fauteurs de troubles" appartiendraient à des «réseaux rwandais» non autrement identifiés. Des réseaux qui utiliseraient le territoire de ce pays comme base de lancement des actions subversives contre les provinces congolaises du Kivu. Qui goberait des telles balivernes qui cachent mal toute la complexité des relations existant entre la grande majorité des dirigeants congolais actuels et le potentat de Kigali ? Qui oubliera que le Congo-Kinshasa est dirigé par des hommes et des femmes qui doivent leur ascension politique à Kagame? Comment pourrait-on ménager ce dernier sans s’aliéner une opinion congolaise qui suspecte de plus en plus les plus hauts responsables congolais d‘inertie voire de «trahison»?
Pour concilier ces deux intérêts antinomiques, le ministre congolais des Affaires étrangères Raymond Tshibanda N’tungamulongo, a eu l’idée d’écrire au président du Conseil de sécurité des Nations unies, le Chinois Li Baodong. La correspondance, datée du 14 juin 2012, n’a été transmise à son destinataire, via la Mission permanente du Congo à l’Onu à New York, que le 19 juin. Le ton usité est d’une fermeté inhabituelle à l’égard du Rwanda. Après avoir relaté l’historique de la mutinerie au Nortd Kivu, le ministère Tshibanda de tonner : «Aujourd’hui, les conclusions des enquêtes et mécanismes conjoints permettent d’affirmer ce qui suit : parmi les mutins se sont trouvés quelques 200 à 300 éléments recrutés sur le territoire du Rwanda par un réseau actif dans ce pays voisin ; plusieurs combattants ainsi recrutés sont des ressortissants rwandais, infiltrés en République Démocratique du Congo. (…), alors que dans leur fuite, les mutins avaient abandonné tout leur armement, soit 38 tonnes récupérées par les FARDC, il a été noté un décuplement de leur puissance de feu dès leur arrivée dans le triangle Runyonyi-Tshianzu-Mbuzi accoté à la ligne frontalière entre la RD Congo et le Rwanda». Et de poursuivre qu’«il ressort que le territoire rwandais a servi à la préparation et à la perpétration d’une conspiration qui, après avoir commencé comme une simple mutinerie, évolue dangereusement vers un schéma de rupture de la paix entre deux pays de la Région des Grands Lacs, remet tant en cause les progrès accomplis en ce domaine depuis 2009». Tshibanda de conclure : «Aussi, le gouvernement de la RD Congo demande-t-il instamment au Conseil de sécurité de condamner la nouvelle tentative de rébellion» ainsi que «le soutien extérieur dont le M23 bénéficie et tenir "ceux" qui le lui apportent solidairement responsables de tous les actes répréhensibles commis par ce mouvement». Le ministre Tshibanda de demander au Conseil de «rappeler le Rwanda à ses obligations internationales et exiger le retrait immédiat et sans conditions des membres de ses forces armées qui se dissimuleraient dans les rangs de la rébellion». De même, de «prendre toutes les mesures idoines pour mettre un terme à l’activité de toutes les forces négatives, y compris les FDLR, le CNDP et le M23».
Une fuite organisée
C’est dans cette ambiance que, lundi 18 juin, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, atterrit à Kinshasa. Elle est accompagnée du chef d’état-major général des RDF et du chef des services des renseignements. Pour la petite histoire, Raymond Tshibanda n’est pas présent à l’aéroport international de Ndjili. Pas de trace non plus de son adjoint Tunda ya Kasende. Le chef de la diplomatie rwandaise est accueillie par Apolline Mushengeshi, la secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères. Cet «accueil glacial» n’avait apparemment pour but que de jouer «les durs». Une posture qui s’est fanée comme une rose. Dans le «communiqué conjoint» publié le 19 juin par les deux ministres, le Rwanda tire son épingle du jeu. Ses préoccupations sont en vedette. «Les deux délégations ont échangé des renseignements sur les problèmes sécuritaires de la région et examiné les préoccupations présentées par chaque partie en rapport avec la situation qui prévaut dans l’Est de la RDC», peut-on lire. «Elles ont ainsi renouvelé leur détermination à poursuivre les efforts jusqu’à l’éradication totale du groupe terroriste FDLR et de tous les autres groupes armés écumant la sous-région», souligne le communiqué qui précise qu’une «réunion de concertation et d’évaluation» est prévue le 28 juin prochain à Goma. On cherche en vain la moindre mention sur les rebelles du M23. Raymond Tshibanda s’est-il contenté de parapher un communiqué conçu par la partie rwandaise? Avait-il au moins pris la peine de le parcourir?
Pour sauver la face du très taiseux et débonnaire «raïs» devant l’opinion congolaise, les zélateurs du «kabilisme» qui peuplent le «Net» ont, dès jeudi 21 juin, assurer une "large diffusion" de la lettre du gouvernement congolais adressée au président du Conseil de sécurité des Nations unies. Une «fuite» organisée. Dans quel but? Il s’agit sans doute de "démontrer" la "fermeté" du "raïs" face au Rwanda. Et partant, «réhabiliter» l’honneur perdu d’un «Joseph Kabila» réputé pour sa tendance à courber l’échine face à son mentor Paul Kagame. La tentative a fait flop!
Author: Baudouin Amba Wetshi
Source: Congoindépendant 2003-2012, du23 Juin 2012
Source: Congoindépendant 2003-2012, du23 Juin 2012
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