Après s'être rendus maîtres cette semaine de la capitale Tripoli, les rebelles libyens ont annoncé dimanche 28 août une importante avancée vers Syrte, dernier grand bastion de Mouammar Kadhafi, dont ils n'étaient plus qu'à 30 km par l'ouest et 100 km par l'est. L'OTAN a annoncé dimanche avoir mené ces trois derniers jours des raids aériens contre Syrte. "Notre objectif n'est pas un bain de sang mais la libération" de la ville qui prendra plus de dix jours, a expliqué à Reuters le colonel Salem Mouftah Al-Refaïdi, un chef insurgé.
A la suite d'une série de victoires dans l'ouest, les rebelles ont annoncé la chute sur le front Est de Ben Jawad, à 140 km à l'est de Syrte, verrou qu'ils n'avaient jamais réussi à dépasser. Fief de M. Kadhafi, qui est né dans cette région et pourrait y avoir trouvé refuge, Syrte est désormais prise en étau entre des forces rebelles venues de Benghazi à l'est et de Misrata à l'ouest.
Les observateurs redoutent que la bataille pour la prise de Syrte soit beaucoup plus meurtrière que celle pour contrôler Tripoli. Un grand nombre de fidèles du colonel libyen se sont repliés et regroupés dans cette localité et disposent d'importantes installations militaires.
Les rebelles ont par ailleurs indiqué dimanche qu'un des fils de Mouammar Kadhafi, Khamis, dont la mort a été annoncée à plusieurs reprises depuis le début du conflit sans jamais être confirmée, pourrait avoir été tué samedi lors d'un accrochage à Tarhouna (sud-est de Tripoli) avec des pro-Kadhafi. Khamis, le plus jeune fils du leader, âgé de 28 ans, commandait l'une des brigades réputées les plus efficaces des forces fidèles à l'ex-dirigeant libyen.
AUCUN CONTACT AVEC KADHAFI
A l'est, "nous avons pris Ben Jawad aujourd'hui (dimanche), et 'les thowar' (combattants révolutionnaires) de Misrata sont à 30 km de Syrte" sur le côté ouest, a déclaré à l'AFP à Tripoli Mohammed Al-Fortiya, commandant des combattants de Misrata, une unité d'élite de la rébellion. "Nous négocions avec les tribus pour que Syrte se rende pacifiquement", a confirmé M. Al-Fortiya, précisant que les discussions n'impliquaient que les leaders tribaux et qu'à sa connaissance, aucun contact n'était établi avec Mouammar Kadhafi ou ses proches.
"Il n'y aura pas de négociations sans fin" à Syrte, a toutefois prévenu dimanche le porte-parole du Conseil national de transition, Mahmoud Chammam, appelant à "arriver à un accord" rapidement, faute de quoi la situation sera réglée par la voie militaire.
COMBATS SPORADIQUES À L'OUEST
Des combats à l'arme lourde se déroulaient dimanche à Ragdaline, dans l'ouest du pays, a constaté une journaliste de l'AFP. Les combats ont commencé à la mi-journée après que les rebelles sont tombés dans un piège dans cette localité située au sud-ouest de Zouara, à une soixantaine de km à l'est de la frontière tunisienne, ont indiqué plusieurs d'entre eux.
Dans l'ouest, les rebelles ont conforté leurs positions, après la prise du poste-frontière avec la Tunisie de Ras Jdir, puis de deux localités voisines, à chaque fois sans réels combats. Des unités de combattants se préparaient à partir vers le désert du sud, afin de couper la route de l'Algérie pour les pro-Kadhafi en fuite. Et d'autres rebelles visaient Bani Walid, à une centaine de kilomètres au sud-est de Tripoli, localité réputé très fidèle au "Guide", et dont un convoi de 60 à 80 véhicules des forces loyalistes en fuite a pris la direction samedi.
CONFÉRENCE JEUDI À PARIS
Pendant ce temps, les pays qui ont soutenu les rebelles pendant six mois de combats déployaient des efforts diplomatiques tous azimuts pour aider à la reconstruction, avec en point d'orgue une conférence jeudi à Paris. Au Caire, la Ligue arabe a demandé à l'ONU de débloquer "les fonds, les avoirs et les biens revenant à l'Etat libyen", et de permettre au Conseil national de transition, organe politique de la rébellion, d'occuper le siège de la Libye dans ses diverses instances. Malgré les inquiétudes devant son caractère hétéroclite, plus d'une cinquantaine de pays ont reconnu le CNT comme autorité légitime en Libye.
Les rebelles ont annoncé dimanche qu'ils ne livreraient "aucun ressortissant libyen aux Occidentaux", mettant un terme aux spéculations sur la possible extradition de l'agent libyen condamné par la justice écossaise dans l'affaire de l'attentat de Lockerbie, qui fit 270 morts le 21 décembre 1988 à bord d'un Boeing de la Pan Am et au sol.
Donné pour mourant, Megrahi, ancien agent des services secrets libyens, avait bénéficié en 2009 d'une mesure de libération anticipée. Les médecins, qui avaient diagnostiqué une cancer de la prostate en phase terminale, lui donnaient une espérance de vie de trois mois. Il avait été accueilli en héros par le régime Kadhafi à son retour en Libye et a disparu de son domicile de Tripoli depuis l'entrée des insurgés dans la capitale.
Mahmoud Djibril, chef du CNT, au cours d'une réunion de la Ligue arabe au Caire, le 27 août. AP/Khalil Hamra
TRIPOLI CALME APRÈS LES INCIDENTS DE LA NUIT
Une semaine après leur entrée dans Tripoli, les rebelles, désormais maîtres de la ville, ont commencé à remettre la capitale en état de marche. Les rebelles redoutent encore des actions d'éléments pro-Kadhafi isolés, en particulier des tireurs embusqués, mais les opérations militaires y sont terminées.
La ville était calme dimanche matin, après une nuit émaillée d'incidents - explosions isolées et rafales d'armes automatiques - dans différents quartiers. Les rebelles assurent que l'aéroport et la zone environnante ont été sécurisés. Et la dernière base militaire encore aux mains des forces loyalistes est tombée samedi. Une cinquantaine de squelettes carbonisés, probablement victimes d'un massacre mardi, ont été découverts lors de la prise de ce camp.
Une cinquantaine de corps calcinés ont été découverts dans une base militaire. REUTERS/LOUAFI LARBI
Dans le quartier d'Abou Salim, réputé pro-Kadhafi et théâtre de violents combats jusqu'à jeudi soir, la vie a repris, les commerces rouvrant petit à petit tandis que les habitants nettoient les décombres. Mais "il y a beaucoup d'armes dans des mains pro-Kadhafi", a prévenu samedi un porte-parole rebelle, Mahmoud Chammam, reconnaissant que des poches de résistance subsistaient. "Nous contrôlons la situation", a-t-il néanmoins assuré.
Depuis Benghazi (est), le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, a lancé samedi un appel d'urgence humanitaire pour la capitale, qui manque de produits médicaux et alimentaires de première nécessité. A Ras Lanouf, la plus grande raffinerie du pays s'apprête à reprendre ses activités, a déclaré à Reuters son directeur général. D'autre part, le gazoduc reliant la Libye à l'Italie a été réparé, ce qui augure d'une reprise des approvisionnements, a déclaré dimanche Ahmed Bani, porte-parole des insurgés.
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters
Source: Le Monde, du 29/08/2011
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