Au Rwanda, il a vécu le génocide des Tutsis. Didier Tauzin s'élève contre la visite annoncée du président Paul Kagamé à l'Élysée.
Pour lui, l'heure n'est pas venue de « faire la sieste sous l'acacia » ou de « pêcher à la ligne ». Depuis sa retraite charentaise, le général Didier Tauzin, 61 ans, s'indigne de la possible visite officielle du président rwandais. Annoncé à l'Élysée avant les 12 et 13 septembre, Paul Kagamé met en cause l'armée française dans le génocide des Tutsis. Huit cent mille morts au printemps 1994, est-il communément admis. « Profondément choquant », « un vrai salopard », « une forfaiture », rétorque l'officier qui a commandé au Rwanda les « paras » du 1er RPIma (Régiment d'infanterie de marine) de Bayonne.
Une terrasse au coin de la jolie place d'Aubeterre. Sandales aux pieds, vigoureuse poignée de main, Didier Tauzin est en avance. Longtemps il s'est tu face aux « calomnies ». Assez pour revendiquer aujourd'hui son « devoir d'expression », lui qui s'est retiré depuis quelques années à Saint-Romain, près d'Aubeterre.
Vendu à 2 500 exemplaires depuis sa parution en avril, son livre « Je demande justice pour la France et ses soldats » (1) est dédié à son père Raoul, ancien militaire, combattant de la France libre et conseiller général du canton d'Aubeterre-sur-Dronne de 1979 à 1992.
« Je suis sali »
Car Didier Tauzin figure parmi ceux, militaires et politiques de droite comme de gauche, François Mitterrand et Alain Juppé compris, « impliqués » dans le génocide rwandais selon un rapport diligenté en 2008 par le président Kagamé.
« Je suis sali. Comme j'ai la conscience tranquille, je ne l'admets pas. Mes paras sont salis, y compris ceux qui se sont fait tuer. Toute l'armée française est salie. La France est salie. » Lui et les vétérans de l'opération humanitaire Turquoise ont voulu croire à une « intervention » du président Sarkozy, engagé dans un processus « de normalisation » avec Kigali. Elle n'est jamais venue.
La France s'est-elle rendue complice du régime rwandais ? Alors journaliste au « Figaro », Patrick de Saint-Exupéry fut le premier à prêter à l'armée un rôle trouble. Voilà comment, en 1998, la fille du général Tauzin rentre du lycée en pleurs : « Papa, c'est dégueulasse ce que tu as fait. Tu as massacré des Tutsis au Rwanda. » Non seulement Didier Tauzin refuse de passer pour un « Waffen SS », mais il s'échine aussi à défendre le régime rwandais de l'époque, « légitime », « reconnu par la communauté internationale » et garant d'un pays « en paix » avant l'assaut des troupes de Kagamé.
« La haine ethnique »
Si génocide des Tutsis il y a eu, il fut « spontané », rectifie le général. Et de « rappeler » que le tribunal pénal international pour le Rwanda n'a relevé à ce jour « aucune organisation, aucune préparation ». Même les chiffres seraient sujets à caution : le génocide, c'est « 200 000 morts maximum ». « Et avant ? Et après ? La guerre dans la région a fait 6 millions de morts, en presque totalité hutus. » Les zéros virevoltent dans l'indécente quiétude d'Aubeterre.
L'officier n'en décrit pas moins « la haine ethnique » en vigueur au printemps 1994. « On tuait pour violer, pour effacer une dette. » Lui revient en mémoire « cette famille de Tutsis qui courait vers nous, poursuivie par des gosses avec des machettes ». Elle sera tirée d'affaire. Ou encore « l'exfiltration » de « 600 orphelins promis au massacre ». Entre autres.
Il est dit qu'Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, brillera par son absence le jour de la visite de Paul Kagamé. Didier Tauzin aussi s'épargnera les tourments que pourrait lui valoir la vue du président rwandais sur le perron élyséen. À la tête d'une association notamment abondée par ses droits d'auteur, il s'en va pour plusieurs semaines au Sénégal, où il est né. Objectif : fonder des écoles dans toute l'Afrique francophone.
(1) 19,90 €, éditions Jacob-Duvernet.
Author: Daniel Bozec
06h00
Source: Sud Ouest, du 29/08/2011
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