Six mois de guerre en Libye, huit jours d’assaut final sur Tripoli et les derniers bastions kadhafistes prêts à tomber.
Mais ensuite, que vont devenir ces soldats de la révolution une fois la Libye pacifiée ? La guerre n’est pas terminée, mais on s’interroge déja sur l’avenir de ces shabab, ces civils qui sont devenus des combattants, les plus anciens il y a six mois.
A la rencontre de ces hommes qui ont renversé Mouammar kadhafi : reportage d’Etienne Monin, l’un des envoyés spéciaux de France Info en Libye.
Le premier d’entre eux s’appel Mahmoud, il a 37 ans, un physique robuste. Il a un gilet pare-balle sur les épaules, qu’il a trouvé dans la résidence de Kadhafi. Il avance avec la katiba, (c’est-à-dire l’armée) de Misrata. A Tripoli, Misrata constitue l’élite des guerriers. Ils n’ont vraiment pas froid aux yeux. Ce sont eux qui ont mis le pied les premiers dans le QG de kadhafi.
Avant la guerre, Mahmoud était comptable. Une femme, deux filles, deux voitures. Aujourd’hui, il n’est pas le seul à avouer qu’il est fatigué de cette guerre. "J’ai vu beaucoup de gens morts, des gens égorgés, des jambes et des bras coupés. Ce que je veux faire maintenant, c’est rendre mon arme aux militaires et aller faire du tourisme", explique Mahmoud.
Mais la guerre a aussi suscité des vocations. Devenir shabab, c’est entrer dans la légende des héros. Sur la route, quand ils avancent avec leur colonne de pick-up blindés, les gens les acclament. A Tripoli, ils sont prioritaires pour tout, y compris pour les bouteilles d’eau, si précieuses.
C’est aussi pour cela qu’un garçon comme Sunny Abdul-Kalek veut poursuivre l’aventure après, dans l’armée. Vingt-deux ans, un physique et une tenue à la Rambo. "Je suis plus heureux comme rebelle que comme boulanger car je défends mon pays", assure Sunny.
Moins visibles, il y a les héros de l’intérieur. Ceux qui sont participé au soulèvement de Tripoli, l’opération "Heure Zéro". C’est ce qu’a fait Abdulraman Hussain sous Kadhafi. Il a transporté dix kalashnikov amenées par bateau de Misrata. Mais il s’est fait bêtement arrêter à un contrôle. Son ami Abdul-Waheed montre les traces de brûlures qu’il a aujourd’hui sur le dos et le bras. "Ils ont mis de l’acide de batterie et du sel sur son corps. Il l’ont torturé pendant un mois, trois fois par jour, mais il n’a pas dit d’où venaient les armes", explique Abdul-Waheed.
Benghazi, le berceau de la révolution, est sous-représenté à Tripoli
Finalement, c’est toute la Libye sauf Benghazi qui a libéré Tripoli. Le berceau de la révolution est sous-représenté et cela peut changer l’équilibre des forces dans le pays.
Ceux qui ont beaucoup à gagner sont les berbères des montagnes à Yéfren. Sous Kadhafi, c’était une minorité maltraitée. Aujourd’hui, ils sont dans le groupe des héros qui ont fait tomber Tripoli. Ossama Ghobbar dit qu’il fait partie des premiers à être entrés dans la capitale, par l’Ouest le dimanche 21, après la rupture du jeûne. Il dirige une katiba de 15 personnes, en gros, sa famille. Il a maintenant des attentes à la hauteur de son engagement. "Maintenant je veux l’égalité avec les arabes, des droits et des devoirs", explique-t-il.
Pour l’instant, il n’y a pas de commandement centralisé pour toutes ces armées. C’est encore un grand puzzle. Un nom a été avancé comme commandant militaire de Tripoli : il s’agit de l’islamiste Abdel-Hakim Belhaj.
Mais on se demande quelle est son autorité, lorsque l’on parle de lui à Ibrahim Mohamed Madani. Ce garçon de 26 ans est un chef de guerre, et pas parce qu’il a une écharpe blanche autour du cou. C’est parce qu’il est le fils d’un résistant très respecté dans la puissante tribu des Zintan qui a formé les gens de Tripoli dans les montagnes. Il dit qu’il dirige un millier d’hommes. Et qu’il ne reconnaît pas l’autorité de Belhaj, qui "a fait son apparition sur la fin, à Tripoli. Il n’a pas assez d’expérience", poursuit le jeune chef de guerre.
Mustafa Abdel-Jelil, la figure du Conseil national de transition, l’organe politique de la rébellion, est confronté à ce problème d’autorité. Il devra aussi gérer le retour à la paix civile, car avec le pillage des stocks d’armes de Kadhafi, ces katiba sont surarmées.
Reportage : Etienne Monin,
Envoyé spécial de France Info en Libye,
avec Raymond Albouy
Page web : Gilles Halais
France Info - 05:19
Source: France Info, du 29/08/2011
No comments:
Post a Comment