Introduction
Le génocide qui a été perpétré contre les Tutsi du Rwanda ne fait pas l’objet d’un débat d’identification. Mais le constat est observé sur le seul plan du principe, non toujours sur celui de la réalité, alors même que la qualification en est juridiquement consacrée par la Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, depuis le 28 juin 1994. Le 8 novembre de la même année, le Conseil de Sécurité de l’ONU instituait un TPIR (Tribunal Pénal International Pour le Rwanda), en vue de juger les auteurs de ce « crime contre l’humanité. »
La Commission du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies précise, juste après, dans le rapport, version française:
« À ce jour, la Commission n’a découvert aucune preuve indiquant que des éléments tutsi avaient commis des actes dans l’intention de détruire le groupe ethnique hutu en tant que tel, au sens où l’entend la Convention de 1948. »
En 2006, un texte du constat judicaire du TPIR aboutit à la même conclusion. Il ressort, d’emblée, de ces extraits de rapports, qu’il y a eu, d’une part, un génocide au Rwanda. Il apparait, d’autre part, que le génocide a pris, pour cibles, non tous les Rwandais, mais les seuls Tutsi, parmi les Rwandais. L’on doit cependant reconnaître que des Hutu et des Casques Bleus Belges ont été massacrés, pendant ledit génocide. Les ignorer serait une erreur objective et une grave injustice.
Qu’apporte, à la compréhension du génocide anti-tutsi, la reconnaissance du massacre de Hutu par des Hutu? La reconnaissance du massacre de Hutu par des Hutu démontre qu’il ne s’agissait pas d’une guerre « ethnique », avec les Tutsi d’un côté, et les Hutu de l’autre. La réalité du génocide, de par la nature même de ce dernier, indépendamment de son ampleur, ne pouvait ne pas intéresser la problématique de la qualification, plus exactement de la spécification. Il s’agit en effet de spécification, le génocide étant, en soi, la qualification du « crime des crimes. »
Je voudrais, partant de ce constat, élucider la problématique de la requalification qui s’en est suivie ; celle de génocide « rwandais.» Cherchant à publier un article scientifique sur Les sept étapes du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, j’ai moi-même été pris de court par sa traduction en anglais : « The seven stages of the rwandan genocide. L'article a, au demeurant, paru dans Journal of International criminal justice 3 (2005) 823-836. Oxford University Press. Traduction en a également été faite en italien, journal de l’Université Catholique de Bicocca.
Il en est, sans doute, qui usent de l'expression " génocide rwandais " sans volonté de nuire. L’expression a des apparences de vérité : les victimes sont rwandaises, les bourreaux sont Rwandais, et c'est au Rwanda que tout cela s'est passé. Tel d’entre eux s’en explique. Pour lui, c’est la Nation Rwandaise que les génocidaires ont voulu noyer dans le sang !
Mais derrière cette rhétorique, d’aucuns dissimulent ou distillent au moins deux thèses différentes; celle du double génocide, à savoir un génocide anti-tutsi et un génocide anti-hutu, la thèse du " tous coupables et victimes." Le Magazine Marianne vient, en cela, d’opérer à visage découvert. Peut-on, de là, parler de " requalification " formelle du génocide ? Ou doit-on parler d’une volonté délibérée de brouillage, à l'avantage des bourreaux et aux dépens des victimes, qui cessent d'exister, du fait qu'elles ne sont plus nommées ?
Le présent article retiendra l’usage, restreint, d’une requalification qui suggère révision et/ou négation, d’une requalification informelle mais pernicieuse. Il s’agit d’une requalification non formelle en effet, dans la mesure où elle ne revêt aucune dénotation, ni aucune connotation juridique. « On sait, depuis Aristote au moins, que le droit a pour fonction, parmi d’autres, de dire la réalité, et que c’est même pour cette raison que l’homme, unique vivant doué de parole, est le seul à pouvoir établir un ordre juridique. Le droit est symbole au sens étymologique, puisqu’il est chargé, par la qualification même et sa vertu performative, de relier, d’affirmer le lien entre le coupable et ses victimes, ou, dans le cas d’un crime contre l’humanité, entre le coupable et la communauté humaine. »
Force était de poser ce préalable, avant l’entrée en matière. C’est là, pensons-nous, témoigner du « souci des enjeux, des ouvertures et des sens multiples », dans le sens où l’entend un Jean Starobinski, dans le genre de l’essai. Il en est donc aussi qui usent et abusent de l’expression « génocide rwandais », dans une intention discursive à la fois délibérée et qui vise à nuire. Se situant entre la spécification détaillée et l’absence de spécification sur le génocide en cause, une certaine littérature pêche en eaux troubles.
La centralité de la place et du rôle de la requalification dans le sens entendu est un fait. En France, l’hostilité des complices du génocide anti-tutsi a conduit à l’élaboration d’un discours à effets pervers. La volonté de consécration de l’expression « génocide rwandais », en lieux et places de génocide perpétré contre les Tutsi, de génocide anti-tutsi, ou de leur chaîne synonymique, est pour beaucoup, dans la construction et dans l’explication des rapports d'inimitié observés entre nombre de médias, spécialement français, et le pouvoir de Kigali.
Quels outils théoriques, entre plusieurs autres, peuvent contribuer à expliquer une requalification aussi erronée sur le plan scientifique qu’elle est injuste, sur le plan éthique ? Observons-en, notamment, quelques-uns : anthropologie, système de nomination, avant d’en venir au caractère inducteur du postulat de la requalification. Ce caractère en paraît, à des degrés et sous des voiles certes divers, dans certains écrits, en France, entre autres. La liste ci-après en est, non pas limitative, mais à peine indicative :
• http://letoutcestdeledire.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/07/26/rwanda-kagame-quelj-oli-nom.html Kagame, quel joli nom !
• Un article de l'abbé Maindron dans le journal La Croix, en réponse à Alain Gauthier,
• Un article paru dans L’Express : Sénatoriales : « Les Hutus et les Tutsis » contre la candidature Jouanno à Paris. Par Thierry Dupont,
• Un article d’un correspondant du Monde en Afrique. Jean-Philippe Rémy, sur le « Triste printemps rwandais. »
• Diaspora News. La référence afro-caribéenne. Rwanda. Vers une reconstruction du pays ? Juin 2011.
• http://www.marianne2.fr/Soudan-du-sud-une-independance-a-risques_a209030.html Soudan du sud: une indépendance à risques, sous la plume de Roland Hureaux .
• Etc.
Il en est, sans doute, qui usent de l'expression " génocide rwandais " sans volonté de nuire. L’expression a des apparences de vérité : les victimes sont rwandaises, les bourreaux sont Rwandais, et c'est au Rwanda que tout cela s'est passé. Tel d’entre eux s’en explique. Pour lui, c’est la Nation Rwandaise que les génocidaires ont voulu noyer dans le sang !
Mais derrière cette rhétorique, d’aucuns dissimulent ou distillent au moins deux thèses différentes; celle du double génocide, à savoir un génocide anti-tutsi et un génocide anti-hutu, la thèse du " tous coupables et victimes." Le Magazine Marianne vient, en cela, d’opérer à visage découvert. Peut-on, de là, parler de " requalification " formelle du génocide ? Ou doit-on parler d’une volonté délibérée de brouillage, à l'avantage des bourreaux et aux dépens des victimes, qui cessent d'exister, du fait qu'elles ne sont plus nommées ?
Le présent article retiendra l’usage, restreint, d’une requalification qui suggère révision et/ou négation, d’une requalification informelle mais pernicieuse. Il s’agit d’une requalification non formelle en effet, dans la mesure où elle ne revêt aucune dénotation, ni aucune connotation juridique. « On sait, depuis Aristote au moins, que le droit a pour fonction, parmi d’autres, de dire la réalité, et que c’est même pour cette raison que l’homme, unique vivant doué de parole, est le seul à pouvoir établir un ordre juridique. Le droit est symbole au sens étymologique, puisqu’il est chargé, par la qualification même et sa vertu performative, de relier, d’affirmer le lien entre le coupable et ses victimes, ou, dans le cas d’un crime contre l’humanité, entre le coupable et la communauté humaine. »
Force était de poser ce préalable, avant l’entrée en matière. C’est là, pensons-nous, témoigner du « souci des enjeux, des ouvertures et des sens multiples », dans le sens où l’entend un Jean Starobinski, dans le genre de l’essai. Il en est donc aussi qui usent et abusent de l’expression « génocide rwandais », dans une intention discursive à la fois délibérée et qui vise à nuire. Se situant entre la spécification détaillée et l’absence de spécification sur le génocide en cause, une certaine littérature pêche en eaux troubles.
La centralité de la place et du rôle de la requalification dans le sens entendu est un fait. En France, l’hostilité des complices du génocide anti-tutsi a conduit à l’élaboration d’un discours à effets pervers. La volonté de consécration de l’expression « génocide rwandais », en lieux et places de génocide perpétré contre les Tutsi, de génocide anti-tutsi, ou de leur chaîne synonymique, est pour beaucoup, dans la construction et dans l’explication des rapports d'inimitié observés entre nombre de médias, spécialement français, et le pouvoir de Kigali.
Quels outils théoriques, entre plusieurs autres, peuvent contribuer à expliquer une requalification aussi erronée sur le plan scientifique qu’elle est injuste, sur le plan éthique ? Observons-en, notamment, quelques-uns : anthropologie, système de nomination, avant d’en venir au caractère inducteur du postulat de la requalification. Ce caractère en paraît, à des degrés et sous des voiles certes divers, dans certains écrits, en France, entre autres. La liste ci-après en est, non pas limitative, mais à peine indicative :
• http://letoutcestdeledire.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/07/26/rwanda-kagame-quelj-oli-nom.html Kagame, quel joli nom !
• Un article de l'abbé Maindron dans le journal La Croix, en réponse à Alain Gauthier,
• Un article paru dans L’Express : Sénatoriales : « Les Hutus et les Tutsis » contre la candidature Jouanno à Paris. Par Thierry Dupont,
• Un article d’un correspondant du Monde en Afrique. Jean-Philippe Rémy, sur le « Triste printemps rwandais. »
• Diaspora News. La référence afro-caribéenne. Rwanda. Vers une reconstruction du pays ? Juin 2011.
• http://www.marianne2.fr/Soudan-du-sud-une-independance-a-risques_a209030.html Soudan du sud: une indépendance à risques, sous la plume de Roland Hureaux .
• Etc.
Author: JEAN MUKIMBIRI
Source: La Nouvelle Relève, Vol No: 896 [ 22 Aug - 25 Aug 2011 ]
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