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Une fois de plus, Kigali est accusé d'aider en sous-main les
rébellions de l'est de la RDC. Une thèse que les Rwandais réfutent et qui, à y
regarder de plus près, n'est pas si évidente.
- Que se passe-t-il dans le Nord-Kivu ?
De notoriété publique, Ntaganda et Makenga ne s'entendent pas, mais ils recrutent au sein de la même communauté et coordonnent leurs mouvements face aux troupes loyalistes de Kinshasa, les FARDC, qui ont lancé contre eux une offensive lourde. Pendant que cette guerre des collines fait rage, le contingent des Casques bleus de l'ONU (la Monusco) présent sur place reste l'arme au pied, et les ex-génocidaires rwandais des FDLR en profitent pour réoccuper leurs précédentes positions, multipliant les exactions.
- Le Rwanda alimente-t-il cette rébellion ?
Bosco Ntaganda sirotant sa bière à Kinigi au su et au vu de tous? Impensable!D'abord, parce qu'il est très difficile de savoir qui est qui dans une région où les rwandophones sont nombreux, où l'on naît d'un côté de la frontière pour vivre de l'autre.
Ensuite, parce que certaines précisions apparaissent peu crédibles : ainsi, pour qui connaît les méthodes de travail des services de sécurité rwandais, imaginer Bosco Ntaganda, recherché par la CPI depuis six ans, siroter sa bière dans un bar de Kinigi au vu et au su des passants en compagnie d'un officier des RDF (forces de défense rwandaises), ainsi que l'affirme HRW, est pour le moins sidérant - sauf à croire que les autorités de Kigali tenaient à faire savoir au monde entier qu'elles protégeaient un criminel de guerre... tout en le démentant farouchement. Enfin, il est probable que le gouvernement de Paul Kagamé fasse, par cette mauvaise publicité qui lui est donnée, les frais des relations tendues que les ONG et la Monusco ont toujours entretenues avec lui. Plus HRW radicalise ses critiques sur le thème des droits de l'homme, et plus Kigali l'accuse d'avoir sur le Rwanda et son régime un regard partial, ethnocentré et obsédé par l'exportation du « modèle » démocratique américain.
Quant à la Monusco, dont les autorités rwandaises répètent à l'envi que ses 20 000 hommes et son milliard de dollars de budget annuel ne servent à rien - en tout cas pas à traquer les FDLR, ni à protéger les Tutsis congolais -, ses cadres se montrent volontiers acerbes à l'encontre du pays des Mille Collines. Un diplomate occidental qui l'a récemment rencontrée se disait ainsi surpris du langage tenu par Hirote Sélassié, la responsable éthiopienne du bureau de l'ONU à Goma : « Pendant tout l'entretien, elle n'a cessé de dauber sur le Rwanda. »
- Les réfugiés congolais au Rwanda constituent-ils une menace ?
65 000. C'est le nombre de réfugiés congolais au Rwanda.Fin avril 2012, le gouverneur du Nord-Kivu s'est rendu dans les camps pour inciter les personnes déplacées à rentrer chez elles, mais il a dû faire face à un feu roulant de questions, auxquelles il n'a pas pu répondre : « Où allez-vous nous réinstaller ? », « Qui nous protégera des milices FDLR ? », « Nous considérez-vous comme aussi congolais que vous ? » D'autres réfugiés sont venus grossir les rangs depuis fin mars, une partie d'entre eux - environ 15 000 - s'installant un peu plus au nord, à l'intérieur du territoire ougandais. Tous ou presque sympathisent avec la rébellion du M23, et l'on reconnaît de bonne source à Kigali qu'il est « très difficile d'empêcher tous ceux qui le souhaitent d'aller rejoindre leurs frères et leurs cousins qui se battent au Kivu ». Si des passages en groupe de la frontière rwando-congolaise ont pu effectivement être repérés, il s'agirait donc non pas de soldats rwandais, mais de Tutsis congolais désireux d'aller prêter main-forte à la rébellion. Même s'il n'est pas exclu que quelques agents de renseignement des RDF se soient mêlés à leurs rangs.
- Est-ce la fin de la cohabitation entre la RD Congo et le Rwanda ?
Source: Jeune Afrique ,14/06/2012 à 16h:31
Author: François Soudan
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